
« Au bout de quelques minutes un léger bruit se fit entendre et quelque chose s’approcha du rivage. C’était un canot indien long de dix pieds environ et formé d’un seul arbre. L’homme qui était accroupi au fond de cette fragile embarcation portait le costume et avait toute l’apparence d’un Indien.
Il adressa la parole à nos guides (indiens) qui à son commandement se hâtèrent d’enlever les selles de nos chevaux et de les disposer dans la pirogue. Comme je me préparais moi-même à y monter, le prétendu Indien s’avança vers moi, me plaça deux doigts sur l’épaule et me dit avec un accent normand qui me fit tressaillir : « N’allez pas trop vitement, y en a des fois ici qui s’y noyent. »
Mon cheval m’aurait adressé la parole que je n’aurais pas, je crois, été plus surpris. J’envisageai celui qui m’avait parlé et dont la figure frappée des premiers rayons de la lune reluisait alors comme une boule de cuivre : « Qui êtes vous donc, lui dis-je, le français semble être votre langue et vous avez l’air d’un Indien ? »
Il me répondit qu’il était un « bois-brûlé », c’est à dire le fils d’un Canadien et d’une Indienne. J’aurai souvent occasion de parler de cette singulière race de métis qui couvre toutes les frontières du Canada et une partie de celles de États-Unis. »
25 juillet 1831 :
Notes d’Alexis de Tocqueville, arrivant dans la nuit près du village de Saginaw (actuel état du Michigan) « Regards sur le Bas-Canada », éditions Typo.
Illustration : « Équipage d’un canot passant devant une cascade » 1869, par Frances Anne Hopkins (1838-1919).
Pour aller plus loin : Alexis de Tocqueville, « Regards sur le Bas-Canada », éditions Typo, 2005.
Source: Histoire de France 2.0
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