«Qu’est-ce qu’on fait? On se crache dans les mains et on recommence!»
Jacques Parizeau 9 août 1930 – 1er juin 2015
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«Qu’est-ce qu’on fait? On se crache dans les mains et on recommence!»
Jacques Parizeau 9 août 1930 – 1er juin 2015
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Classé dans Culture et société, Histoire, Politique
Virginie Simoneau-Gilbert et Raphaëlle Élément, Le Huffington Post, 29/10/14
Il y a de cela déjà quatre mois, un sondage réalisé par la firme CROP révélait que, parmi les 500 répondants, 69% auraient voté non à un référendum sur l’indépendance du Québec. 65% des jeunes ayant participé au questionnaire vont même jusqu’à affirmer que le projet nationaliste est désormais dépassé. S’il est vrai que les concepts de liberté et d’indépendance ne datent pas d’hier, il faut reconnaître que la tendance de certains à vouloir les jeter aux poubelles a à peu près le même âge.
Également, au retour de Catalogne et d’Écosse d’un bon nombre de jeunes souverainistes qui s’y trouvaient à titre d’observateurs, nous pouvons affirmer qu’une relève forte, énergique et déterminée est prête à prendre le flambeau de l’émancipation nationale, contrairement à ce que prétendait récemment le sondage de la firme CROP. À cet effet, plusieurs exemples de la forte présence de cette jeunesse méritent d’être soulignés.
Tout d’abord, Me Maxime Laporte, un avocat de 26 ans, devint en juin dernier le 80e président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Celui-ci souhaite d’ailleurs «porter l’idéal républicain des Patriotes qui ont fondé la SSJB en démontrant que la cause indépendantiste constitue une cause démocratique, humaniste, unificatrice et surtout, intergénérationnelle.» Rappelons que la SSJBM, créée en 1834, est la plus grande et la plus vieille organisation citoyenne indépendantiste du Québec et constitue ainsi le noyau militant du mouvement nationaliste. Au cœur de cet organisme de grande envergure s’impliquent également de nombreux jeunes en provenance du CÉGEP du Vieux-Montréal (notamment de l’Action indépendantiste culturelle québécoise). Certains d’entre eux militent même au sein de l’Opération Bélier, campagne de porte-à-porte visant à faire la promotion continue de la souveraineté dans une optique citoyenne, qui a été lancée à l’échelle nationale le 26 octobre.
Par ailleurs, un autre événement important des derniers mois au sein du mouvement nationaliste ne peut passer inaperçu: l’élection de Mario Beaulieu à la tête du Bloc québécois le 14 juin dernier. Nombreux furent les jeunes bénévoles qui donnèrent leur appui à l’ancien président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Le Forum Jeunesse du Bloc Québécois, entre autres, soutint de manière très affirmée le nouveau chef de la formation indépendantiste.
De plus, le parti Option nationale a su rassembler en ses rangs plusieurs jeunes ayant la ferme intention de réaliser la souveraineté du Québec. Aux élections générales de 2012, les candidats d’ON affichaient une moyenne d’âge de 32 ans comparativement à 44 ans pour l’ensemble des candidats, 50 ans pour le PLQ, 49 ans pour le PQ et 46 ans pour la CAQ. Bien que le parti ait indéniablement perdu des plumes aujourd’hui, ce qu’il s’y est accompli demeure significatif : l’espoir et l’engagement ont tous deux mis la main à la pâte. L’analyste politique Marie Grégoire a dit : «[Les] militants d’Option nationale sont des militants avec un M majuscule […] Je les ai regardés aller, c’était des gens de convictions, engagés.» Ayant été du nombre pendant deux ans, l’une de nous le sait très bien. Mme Grégoire ajoute que «le Parti québécois ne peut pas faire l’économie de gens comme ça dans sa base militante, surtout une base militante plus jeune, qui donne une énergie nouvelle». Par ailleurs, Catherine Dorion, dans sa lettre intitulée Les jeunes d’Option nationale et le PQ, publiée dans Le Devoir en date du 19 avril 2014, affirmait que «[…] ce que les jeunes trouvent dépassé, désuet et vétuste, ce n’est pas l’idée de souveraineté. C’est la manière de faire du Parti québécois, auquel ils associent, depuis le début de leur intérêt à la chose politique, l’indépendance du Québec. »
En outre, il est important de mentionner le fait que 20 ans se sont écoulés depuis le référendum de 1995. Toute une génération de jeunes Québécois a vu le jour depuis, en plus de tous ceux qui se sont trouvés dans l’impossibilité de voter, puisque mineurs. Tous ceux qui, aujourd’hui, s’empresseraient de le faire. Cette génération, née dans le sillage du deuxième référendum, a grandi et continue de le faire. Peut-on, comme société, garder les jeunes à l’écart de cette question fondamentale et fondatrice que constitue l’indépendance nationale, sachant qu’elle en portera toutes les conséquences? Peut-on tenir le débat pour clos sans qu’il n’ait eu lieu pour notre génération?
Par ailleurs, mentionnons le fait que ce pan important de l’histoire québécoise qu’est le combat indépendantiste brille par son absence dans l’enseignement au secondaire. En effet, de grands événements historiques tels que la Révolution tranquille, la Crise d’octobre, le référendum de 1980, l’Accord de Charlottetown, l’Accord du lac Meech et le référendum de 1995 sont souvent peu ou pas enseignés. De plus, on évoque l’indépendantisme en traitant des Rébellions de 1837-1838 avec le gouvernement responsable, obtenu en 1848, comme revendication centrale. Or, les patriotes voulaient l’indépendance, la république. Pas une demi-mesure.
Étant nées en 1996, nous sommes de cette génération montante. Et nous sommes là, participons au mouvement indépendantiste, parce que nous y croyons, parce que nous avons le sentiment fondamental de faire du mieux que nous pouvons. Nous nous battons quotidiennement – ou, du moins, tentons de le faire – contre l’ignorance. Souvenons-nous que celle-ci enfante d’ailleurs le désengagement collectif qui laisse libre cours à tous les abus de pouvoir. C’est donc parce que nous croyons au futur de nos compatriotes dans un Québec libre et démocratique que nous nous engageons pour l’indépendance nationale. Comme le soulignait le philosophe algérien Albert Camus dans sa brillante œuvre L’homme révolté, «[la] vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent.»
Ainsi, si la jeunesse semble, selon les sondages, désintéressée par le projet d’indépendance, une relève déterminée est pourtant très présente au sein du mouvement souverainiste québécois. Les jeunes se sentent toujours concernés par cette cause humaniste et universelle qu’est la liberté des peuples, et ce même en cette période supposément postmoderne. Ce concept, celui de la postmodernité, fut développé principalement par Jean-François Lyotard et se caractérise, notamment, par l’effondrement des grands idéaux sociaux du 20e siècle portés par le rêve socialiste et des récits des Lumières, textes fondateurs de la civilisation occidentale moderne. Or, en cette ère que plusieurs qualifient de «postmoderne» qui laisse libre cours au désengagement politique collectif, il est révélateur de constater la présence d’une relève aussi forte et prête à défendre une idée jugée archaïque et désuète par certains. Ainsi, comme l’a récemment affirmé le talentueux cinéaste Xavier Dolan, la jeunesse «ne s’est pas détournée du projet d’indépendance».
Virginie Simoneau-Gilbert, étudiante en histoire et civilisation au CÉGEP Marie-Victorin. Raphaëlle Élément est étudiante en sciences de la nature au CÉGEP régional de Lanaudière à L’Assomption.
JOUR 1 : Paris et Barcelone
– Paris :
Après un départ de Montréal dans une grande fébrilité, nous sommes arrivés pour une escale de presque sept heures à Paris à 8h21 du matin, heure de l’Europe. Puisque nous embarquions pour le vol vers Barcelone seulement à 14h55, nous avons donc décidé de prendre un bain, très court, certes, de la ville lumière et ce, malgré le manque de sommeil important dont nous souffrions.
Tout d’abord, après avoir passé les douanes, nous nous sommes dirigés, avec le train RER, dont une ligne assure le transport entre l’aéroport Charles-de-Gaulle et l’île de la Cité, vers les Champs-de-Mars, devant lesquels trône fièrement la Tour Eiffel. Les Champs-de-Mars, lieu important de la Révolution française où se tinrent de nombreux rassemblements républicains (dont celui, tristement célèbre, du 17 juillet 1791, dans lequel 50 personnes trouvèrent la mort), sont aujourd’hui un immense espace vert de Paris où se déroulent, chaque année, bon nombre d’activités.
Par la suite, après cette courte promenade au pied de la Tour Eiffel, nous nous sommes dirigés vers le Café de Flore, sur le boulevard Saint-Germain, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, pour y dîner. Célèbre pour y avoir été fréquenté par de grands intellectuels du 20e siècle, le Café de Flore a notamment servi café et viennoiseries à Albert Camus, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Louis Aragon, André Breton, Eugène Ionesco, Boris Vian, Emil Cioran, et tant d’autres. Certains d’entre eux, tels que Camus et Sartre, se sont d’ailleurs intéressés à la question des peuples aspirant à leur autodétermination (et, en particulier, à l’époque, le peuple algérien, qui se trouvait alors en pleine guerre d’indépendance).
Finalement, après avoir savouré de succulentes pâtisseries et siroté un bon café, nous nous sommes dirigés vers la cathédrale Notre-Dame de Paris, située sur l’Île de la Cité. Lieu mythique de la ville lumière, la grandiose Notre-Dame a su inspirer, au fil des époques, de nombreux auteurs, dont nul autre que le père du romantisme, Victor Hugo, avec son célèbre roman du même nom publié en 1831.
Toutefois, malgré le peu de temps passé à Paris, ces quelques heures ont été particulièrement marquantes. En effet, marcher dans ces lieux remplis d’histoire et empreints d’une profonde tradition républicaine fut, certes, un moment très émouvant qui restera, le plus longtemps possible (nous l’espérons), gravé dans notre mémoire. Assurément, Paris la magnifique saura nous inspirer pour la suite de notre voyage à Barcelone, Berlin et Édimbourg.
– Barcelone
Après un départ de Paris vers 15h40, nous sommes arrivés à Barcelone vers 17h50 sous un soleil magnifique et une température avoisinant les 28 degrés Celcius.
En premier lieu, après avoir récupéré nos bagages, nous nous sommes dirigés en direction de notre hôtel, situé à cinq minutes à pied d’une bouche de métro dans la banlieue de Barcelone, Hospitalet. Durant ce trajet, nous avons pu admirer, notamment, de nombreux drapeaux catalans accrochés aux balcons et fenêtres, symboles d’un sentiment nationaliste très fort chez la population à la veille du référendum qui se tiendra le 9 novembre prochain. On peut ainsi constater que la question nationale est une préoccupation quotidienne chez les catalans. À la vue de tous ces drapeaux, il est presque impossible de ne pas se sentir fortement impressionné par cette ferveur patriotique affichée et assumée … qui détonne, certes, avec celle que l’on retrouve chez la population québécoise. D’autres réflexions concernant le nationalisme en Catalogne suivront bientôt …
En second lieu, nous avons fait la rencontre de Miquel Vila puis, brèvement, de Maria Corrales, représentants du Sindicat d’Estudiants dels Països Catalans (SEPC). Ces jeunes indépendantistes s’impliquent pour la libération de la Catalogne depuis de nombreuses années. De gauche, ces deux militants ne rendent toutefois pas conditionnelle la lutte indépendantiste à un projet social, contrairement à certaines autres branches du mouvement nationaliste catalan qui voient l’autodétermination de la Catalogne comme un moyen permettant de parachever la lutte des classes menée depuis le 19e siècle. Cette vision socialiste de l’indépendance est d’ailleurs également présente au Québec, notamment chez le parti Québec Solidaire (QS) ou chez le Mouvement Progressiste pour l’Indépendance du Québec (MPIQ). En ce qui a trait aux convictions politiques de jeunes militants tels que Miquel Vila et Maria Corrales, leur idée de l’indépendance se rapproche, au Québec, de celle véhiculée par le parti Option Nationale (ON), organisation qui considère l’autodétermination du Québec comme prioritaire et urgente. « Avant d’être à gauche ou à droite, il faut être. », est d’ailleurs une phrase que Jean-Martin Aussant, fondateur d’Option Nationale, a de nombreuses fois citée dans ses allocutions.
Par la suite, après une longue discussion politique autour d’une sangria, Miquel nous a conduits à une spectaculaire marche aux flambeaux indépendantiste. Il est d’ailleurs assez surprenant de retrouver un tel rassemblement à la veille de la gigantesque manifestation en forme de « V » symbolisant la victoire espérée du camp du oui. Ce genre de démonstrations nombreuses est ainsi un exemple flagrant de l’immense sentiment nationaliste présent chez la population. À la fois fatigués et satisfaits, nous avons regagné notre hôtel, empreint d’une première forte impression du mouvement indépendantiste catalan.
Petites découvertes étonnantes de la première journée :
1- Le café crème de Paris.
2- L’air pincé et un peu désagréable de certains Parisiens …
3- Les drapeaux catalans accrochés en grand nombre aux fenêtres et balcons des appartements de Barcelone.
4- Le métro de Barcelone extrêmement bien fait qui possède l’air climatisé, le réseau ainsi qu’un système indiquant l’arrivée du prochain train à la seconde même.
5- L’activité intense qui règne à Barcelone et ce, même à 23h un mercredi soir.
Déroulement du JOUR 2 :
Durant la deuxième journée, nous prendrons part, au sein d’une délégation québécoise, à la manifestation du grand « V » de 17h14 (1714 étant la date de l’annexion de la Catalogne à l’Espagne après la Guerre de Succession d’Espagne) à 20h14 (2014 étant la date prévue du référendum du 9 novembre prochain). Nous tenterons également, durant les jours qui suivront, de rencontrer des représentants de l’Assemblée Nationale Catalane (ANC). D’autres détails et réflexions concernant le nationalisme catalan suivront …
Sur ce,
Ara és l’hora !
Lien vers l’album photo : https://www.facebook.com/media/set/?set=a.10205216994570228.1073741827.1406963457&type=1&l=3ecbb3cc84 »
Virginie Simoneau-Gilbert
Un des concepts fondamentaux de la philosophie de l’histoire hégélienne est la dialectique du maître et de l’esclave. Imaginons que deux hommes s’affrontent lors d’un duel dans le but d’acquérir la reconnaissance de l’autre. Il faut absolument que les deux adversaires survivent et qu’un des deux adversaires abdique. Si un des deux pugilistes meurt, l’autre ne pourra pas être reconnu. Il faut donc qu’il y en ait un qui devienne maître et que l’autre devienne esclave. Le maître est celui qui priorise son désir non biologique qu’est la reconnaissance. Il accepterait de mourir pour cette cause. À l’opposé, l’esclave est celui qui a peur de la mort et qui donc priorise sa vie biologique plutôt que la reconnaissance. L’esclave est donc condamné à travailler pour le maître. Le travail permet à l’esclave de posséder et de transformer la nature. Pendant ce temps, le maître mène une vie de plaisir, une vie de jouissance obtenue sans effort et est coincé dans une impasse existentielle. C’est que le maître est reconnu par quelqu’un qu’il ne reconnaît pas. Donc, il doit être reconnu par un autre maître, ce qui est impossible puisque les maîtres sont prêts à mourir pour la reconnaissance. Alexandre Kojève, professeur ayant enseigné à plusieurs grands intellectuels français dont Bataille, Camus et plusieurs autres, mentionne que «le maître n’est là que pour engendrer l’esclave qui le supprime en tant que maître en se supprimant par là soi-même en tant qu’esclave.[1]» Cette suppression dialectique, de la classe du maître et de l’esclave conduit à la fin de l’histoire, ce que Hegel nomme l’avènement de la classe du citoyen.
Cette lutte pour la reconnaissance se manifeste également dans l’histoire du Québec. Une des meilleures manifestations de celle-ci survint lors des accords du lac Meech de 1987. Une des demandes du Québec étaient que la province soit reconnue comme société distincte. Cela a provoqué de vives réactions chez les anglophones puisque ceux-ci ont « désémantisé » le mot «distincte». En effet, les canadiens-anglais ont vu dans ce terme la signification distinction, un terme qui amène à croire que le Québec a des prétentions de supériorité sur les autres provinces canadiennes. Le Québec ne voulait pas être considéré comme supérieur, mais bien comme une province reconnue à part entière. Ce souhait n’est pas sans rappeler la fin de l’histoire selon Hegel. Selon lui, l’histoire se terminerait une fois que la dialectique du maître et de l’esclave serait supprimée et remplacée par une nouvelle classe que Hegel nomme le citoyen. Hegel pense également que l’histoire s’est déjà achevée, à peu de choses près, avec le personnage de Napoléon Bonaparte, qui universalise par ses conquêtes les acquis de la révolution française, c’est-à-dire la liberté pour tous. Au Québec, la suppression de cette dialectique que nous pourrions nommer la dialectique Canadiens-Français/Canadiens-Anglais se réaliserait avec la souveraineté. Les deux anciennes identités seraient supprimées, pour ne laisser que l’identité canadienne, qui ne serait composée que d’anglophones, ainsi que la création d’une nouvelle identité résultant d’un nouvel État créé par l’indépendance. Quant à cette dialectique du Canadien-Français/ Canadiens-Anglais, il y a quelques liens à faire avec la théorie de Hegel. D’une part, Kojève mentionne que «c’est parce que l’esclave n’est pas réellement libre qu’il a une idée de la liberté, une idée non-réalisée, mais qui peut être réalisée par la transformation consciente et volontaire de l’existence donnée, par l’abolition de la servitude.[2]» On peut en dire autant des Canadiens-Français. C’est parce que nous n’avons pas d’État souverain représentant notre peuple, c’est-à-dire un État français, que nous avons l’idée d’indépendance. Le Québécois peut ainsi transformer sa réalité donnée en réalisant l’indépendance, c’est-à-dire en se dotant d’un État souverain. D’autre part, Kojève explique que le maître n’est là que pour engendrer l’esclave qui réalisera la fin de l’histoire. Cette citation n’est pas sans rappeler une phrase d’Hubert Aquin dans son texte L’existence politique. Aquin écrit : « Sans vouloir verser dans le paradoxe, je dirais qu’il faut rendre hommage à la confédération de ce qu’elle ait enfanté, malgré elle, les mouvements séparatistes[3]…» Cette idée rejoint quelque peu l’idée précédente en ce sens que s’il n’y avait pas de confédération, de dialectique Canadiens-Français/Canadiens-anglais, l’indépendantisme n’existerait tout simplement pas. Pour qu’il y ait une telle idée, il faut absolument que les Québécois fassent l’expérience d’un système où ils ne sont pas indépendants, où ils font partie d’un système unioniste qui a la volonté d’homogénéité, d’assimilation et dont le but est un tout culturel anglo-saxon. Cette volonté d’unification se remarque aisément dans l’histoire du Québec notamment avec la conquête de 1760, l’acte d’union de 1840 ainsi qu’avec le rapport Durham de 1839 qui recommande clairement l’assimilation des Canadiens-Français. Il ne faut donc pas, comme le dirait Hegel, voir notre position au sein de la confédération d’une manière abstraite, c’est-à-dire unilatérale en ne considérant que notre statut de minorité francophone au sein d’un ensemble anglo-saxon. Au contraire, il faut, voir la rose de la raison dans la croix du présent.
Alexandre Martin
Classé dans Culture et société, Histoire, Philosophie, Politique
Jean-François Nadeau, Le Devoir, 2/03/13
L’organisation du parti intègre des femmes à ses structures. On défend le mode de scrutin proportionnel. Les modèles viennent des luttes internationales, de groupes qui cherchent à s’affirmer : les Noirs américains, les Portoricains, les mouvements d’émancipation de tous les damnés de la terre.
« La dimension internationale est très forte au RIN, explique Denis Monière. La lutte des Noirs américains inspire notamment un sit-in, le 24 juin 1964 à la Place Ville-Marie, contre la politique du Canadien National qui refuse un congé payé aux Canadiens français. » La réalité nationale est envisagée sous le concept de la décolonisation qu’élaborent les oeuvres de Jacques Berque, d’Albert Memmi, de Frantz Fanon ou de Jean-Paul Sartre. L’esthétisme même du matériel publicitaire du RIN témoigne d’un nouveau type d’engagement en politique.
Une école politique
Le RIN offre à ses membres plusieurs grandes soirées, notamment au Forum. Vont chanter, parler et jouer pour le parti des artistes aussi différents que Gilles Vigneault, Muriel Millard, André Gagnon, Claude Léveillée ou Joël Denis. Il y aura aussi un ciné-club politique ainsi que la possibilité d’assister à de vrais cours de formation politique. Dans ces programmes de formation politique, on note que l’écrivain Hubert Aquin propose une leçon sur la fin de l’Empire austro-hongrois. La place d’Aquin au sein du RIN a été soulignée au cours de ce colloque par Nino Gabrielli. De son côté, Pierre Bourgault offre aux militants du RIN une formation sur « l’indépendance et l’esprit républicain ». Le professeur Maurice Séguin les entretient pour sa part de l’histoire de l’idée d’indépendance au Québec.
Sous l’impulsion d’Andrée Ferretti, les cours du RIN prennent une forte tangente vers la « propagande parlée et la propagande par l’action ». Toujours énergique, Andrée Ferretti témoignait d’ailleurs en avant-midi dans le cadre de ce colloque dont les actes seront publiés prochainement, assurent les organisateurs.
René Lévesque, qui ne s’entendait guère avec Pierre Bourgault, le président du RIN, aurait souhaité que ce parti ne se saborde pas en 1968 pour faire place au seul Parti québécois. « Lévesque souhaitait, et je l’ai entendu le dire, qu’un parti indépendantiste plus à gauche existe en marge du Parti québécois. Cela lui aurait permis, sur le plan électoral, de s’assurer de toujours avoir l’air du modéré. C’était le calcul stratégique de Lévesque. »
Électrisant
Louis Denoncourt, ancien candidat du RIN dans la circonscription de Laviolette, plus jeune candidat du parti en 1966, regrettait d’avoir entendu beaucoup de jeunes universitaires s’en remettre essentiellement aux écrits des intellectuels du parti pour établir son histoire et sa pensée. « Ils sont allés chercher des textes des gens d’en haut dans le parti. À la base, on n’entendait jamais parler de dissensions. Comme d’autres, j’organisais des assemblées de cuisine. On formait des gens. On manifestait. On ne perdait pas de temps à se chicaner ! C’était la réalisation de l’indépendance qui nous occupait et nous préoccupait. Avec seulement cinq cennes, on faisait des miracles. Vous savez, lorsque Pierre Bourgault venait parler, il était tellement populaire… Il était électrisant. Il politisait des gens qui ne l’étaient pas du tout. Ah oui, il était électrisant ! »
Fondé le 10 septembre 1960 comme groupe de pression et d’éducation politique, le RIN se transforme en parti sous la pression de ses membres. Ce sont eux qui le financent et qui le font vivre, observe Claude Cardinal dans sa contribution au colloque.
En 1960, les membres fondateurs du RIN ne sont qu’une vingtaine lorsqu’ils se réunissent pour une première fois à Morin Heights, dans les Laurentides. Trois ans plus tard, le parti tient des assemblées un peu partout et fait salle comble dès lors que des orateurs comme Marcel Chaput ou Pierre Bourgault y prennent la parole. Le parti comptera plus de 4000 membres en règle lors des élections de 1966, alors que son président, Pierre Bourgault, passe bien près d’être élu dans la circonscription de Duplessis, sur la Côte-Nord.
Au fond de la salle, le sociologue Guy Rocher écoute les échanges avec attention. « Je suis ici pour deux raisons, me dit-il à l’oreille. D’abord parce que ma femme et son frère, Jean Depocas, sont au nombre des fondateurs du RIN. Ensuite, pour nourrir mon espoir indépendantiste. »
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