« Riel, notre frère, est mort, victime de son dévouement à la cause des Métis dont il était le chef, victime du fanatisme et de la trahison; du fanatisme de Sir John et de quelques-uns de ses amis; de la trahison de trois des nôtres qui, pour garder leur portefeuille, ont vendu leur frère.
En tuant Riel, Sir John n’a pas seulement frappé notre race au cœur, mais il a surtout frappé la cause de la justice et de l’humanité qui, représentée dans toutes les langues et sanctifiée par toutes le croyances religieuses, demandait grâce pour le prisonnier de Regina, notre pauvre frère du Nord-Ouest…
Nous sommes ici cinquante milles citoyens, réunis sous l’égide protectrice de la Constitution, au nom de l’humanité qui crie vengeance, au nom de deux millions de Français en pleurs, pour lancer au ministre fédéral en fuite une dernière malédiction qui, se répercutant d’écho en écho sur les rives de notre grand fleuve, ira l’atteindre au moment où il perdra de vue la terre du Canada, qu’il a souillée par un meurtre judiciaire.
Quant à ceux qui restent, quant aux trois qui représentaient la province de Québec dans le gouvernement fédéral, et qui n’y représentent plus que la trahison, courbons la tête devant leur défaillance, et pleurons leur triste sort; car la tache de sang qu’ils portent au front est ineffaçable, comme le souvenir de leur lâcheté. Ils auront le sort de leur frère Caïn.
[…]
Chapleau a refusé la main d’un frère pour garder celle de Sir John; il a préféré les hurlements de quelques fanatiques aux bénédictions de toute la nation canadienne-française; il a préféré la mort à la vie; la mort pour lui, la mort pour Riel; sa carrière est brisée comme celle de Riel, seulement celui-ci est tombé en homme, celui-là en traître! »
De récents sondages ont témoigné d’une montée du souverainisme chez les jeunes, notamment celui de CROP publié en août dernier, qui montre même qu’une majorité des 18 à 34 ans seraient en faveur de cette idée. Comme plusieurs, nous nous sommes questionnés sur les causes de la montée de l’idée d’indépendance chez cette tranche d’âge qui, depuis les deux dernières décennies, était de manière générale assez défavorable à cette idée. C’est en s’informant au contact d’entrevues portant sur le sujet, de reportages comme celui de Mounir Kaddouri, chez Urbania, et de balados comme Génération OUI, qu’une tangente s’est dessinée. Beaucoup de jeunes y affirmaient être devenus souverainistes au contact de l’histoire du Québec, mais surtout des événements majeurs de sa trame politique, tels que la Conquête, les rébellions des Patriotes, ou encore l’étude des référendums.
En lien avec ce rapport à l’histoire du Québec, nous avons remarqué que, dans le reportage Les nouveaux souverainistes de Mounir Kaddouri, les jeunes qui s’identifiaient à l’idée d’indépendance étaient surtout de très jeunes adultes, soit entre 18 et 22 ans. Cette tranche d’âge correspond bien à celle qui a suivi le programme Histoire du Québec et du Canada de 2017, qui introduit davantage l’étude de la trame nationale et des événements marquants de notre histoire politique. Selon nous, il y a un lien à faire entre les deux.
Le retour d’une conscience nationale
À notre avis, cette montée du souverainisme serait une conséquence du développement d’une conscience nationale, qui se ferait au contact de la trame nationale et des divisions vécues dans l’histoire du Québec et du Canada. En prenant acte des moments et des dynamiques qui ont forgé la société québécoise dans laquelle ils évoluent, les élèves seraient davantage portés à s’identifier au Québec et à vouloir se prononcer sur son avenir. La question nationale traversant notre histoire depuis au moins la Conquête de 1760, il est normal qu’à son tour cette génération veuille en débattre.
Ainsi, si l’apprentissage de l’histoire du Québec permet de développer une conscience nationale, pourquoi les jeunes semblaient-ils délaisser la question nationale il y a quelques années à peine ? Selon nous, l’une des pistes se trouverait dans le changement de programme d’histoire en 2017, cela précédé d’un grand débat (2006-2017) au Québec sur cette question. À ce sujet, une étude récente que nous avons menée a prouvé que les manuels d’histoire issus du programme de 2006-2007 avaient réduit ou même mis de côté plusieurs des temps forts de l’histoire politique canadienne et québécoise, comme la Conquête, les rébellions des Patriotes ou l’étude des référendums, pour ne nommer que ceux-là.
De plus, à maintes reprises, les atrocités subies, par exemple lors de la guerre de la Conquête (la Défaite) des années 1754-1760 par le peuple canadien, devenu ensuite canadien-français (1840-1960), puis québécois, n’étaient pour ainsi dire pas abordées. Il en va de même pour les référendums sur l’indépendance. Les grands acteurs, autant du côté souverainiste que fédéraliste, n’étaient souvent que nommés, les arguments défendus par les deux camps étaient pratiquement absents et certains manuels allaient même jusqu’à délaisser complètement l’étude de ces deux moments majeurs de notre histoire politique contemporaine. On peut donc affirmer que les manuels ne permettaient pas à l’élève de saisir l’essence de ces événements, ainsi que leur importance historique, voire actuelle par ses conséquences séculaires.
C’est toutefois la mise en contact des élèves avec les événements dans leur intégralité qui leur permet de s’identifier au parcours de la nation, à travers les échecs et les difficultés qu’elle a vécus, mais aussi ses nombreux beaux succès, le Québec faisant l’envie, sans doute, de bien des nations minoritaires dans le monde. C’est d’ailleurs Gérard Bouchard qui, dans son ouvrage Pour l’histoire nationale. Valeur, nation, mythes fondateurs (Boréal), publié en 2023, recommandait l’enseignement de l’histoire nationale à travers des valeurs et des principes universels tels que la liberté, l’égalité, la démocratie et la justice sociale afin de faire le pont entre les expériences individuelles de l’élève (peu importe son parcours, son milieu familial et ses origines) et les expériences vécues au fil du passé national.
Le programme ministériel d’Histoire du Québec et du Canada de 2017 et les manuels qui en découlent remettent de l’avant avec objectivité, pensons-nous, la trame nationale et les difficultés vécues par la nation en utilisant notamment un vocabulaire plus connoté et en abordant par exemple le non-respect des libertés, les inégalités et les ruptures de démocratie à travers notre histoire, le plus souvent face au conquérant anglo-britannique. Le tout pousserait donc l’élève à développer un sentiment d’appartenance envers le Québec, et ce, peu importe son origine.
L’enseignement de l’histoire pourrait donc permettre aux jeunes de développer une conscience nationale, qui les pousserait à se positionner de façon beaucoup mieux informée sur la question nationale qu’entre 2007 et 2017, avec le programme Histoire et éducation à la citoyenneté au deuxième cycle du secondaire. Si l’on ajoute à cela un contexte politique dans lequel un parti souverainiste proposant un référendum dans un premier mandat mène actuellement dans les sondages, le climat devient encore plus propice au développement d’un intérêt pour la question de la place du Québec au sein du Canada, ou à l’extérieur de celui-ci.
Montréal, 15 février 1839, pendaison des Patriotes. «Je me souviens».
«Je meurs sans remords. Je ne désirais que le bien de mon pays dans l’insurrection, et son indépendance ; mes vues et mes actions étaient sincères, n’ont été entachées d’aucuns crimes qui déshonorent l’humanité et qui ne sont que trop communs dans l’effervescence des passions déchaînées. Depuis dix-sept à dix-huit ans, j’ai pris une part active dans presque toutes les mesures populaires, et toujours avec conviction et sincérité. Mes efforts ont été pour l’indépendance de mes compatriotes.»
« (…) L’adhésion du Bas-Canada, l’ancêtre du Québec, aux États-Unis est l’une des issues possibles de la lutte armée qui s’annonce à l’été 1837 entre les patriotes canadiens et les forces du régime. En témoigne la manifestation de Sainte-Scholastique, où le tricolore vert, blanc et rouge des partisans de Louis-Joseph Papineau flotte aux côtés du Stars and Stripes et d’un énigmatique drapeau sur lequel est peint un aigle tenant une feuille d’érable au bec.»
«Interviewer un auteur et l’entendre citer Georges Bataille (1897-1962), ce n’est pas ou ce n’est plus si courant, et même assez rare en vérité. Si l’interview porte sur les vidanges et que l’auteur questionné parle d’autorité, étant lui-même vidangeur depuis deux décennies, on atteint le niveau de l’exceptionnelle exception quand surgit le nom de l’écrivain philosophe français.
« Le plus révélateur dans le déchet, c’est l’invisibilisation, dit Simon Paré-Poupart, qui vient de faire paraître Ordures ! Journal d’un vidangeur, chez Lux. Notre société surconsommatrice ne veut pas voir ce qu’elle produit et finit par jeter. Elle enfouit en dehors des villes. Elle envoie le recyclage à l’autre bout de la planète. Elle met le travailleur qui le cache à la marge. Georges Bataille parlait de “la part maudite”. Le déchet est notre part maudite. Celle qu’on ne veut pas voir, celle qui nous confronte à ce qu’on fait, à ce qu’on est. » »