Pendant ce temps à Barcelone

Barcelone à l’approche du référendum interdit par Madrid, Jour 4

Aujourd’hui, 30 septembre, a été une journée davantage légère, qui nous a permis, entre autres, de nous préparer au grand jour qui aura lieu demain.

Tout d’abord, nous avons débuté notre journée, après avoir bien dormi, en allant assister à un panel de droit international sur la question catalane. Ce dernier était organisé par le Centre Internacional Escarré per a les Minories Ètniques i les Nacions (CIEMEN) et réunissait Silvio Falcon, membre du gouvernement catalan, Daniel Turp, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal et directeur de Institut de recherche sur l’autodétermination des peuples et les indépendances nationales  (IRAI) ainsi qu’Ana Stanič, avocate oeuvrant plus particulièrement au Royaume-Uni. Les trois conférenciers.ères nous ont entre autres exposé les différents enjeux juridiques entourant la question de la sécession de la Catalogne, tels la question du droit à la sécession en droit international et la violation des droits civils. Les conférenciers.ères nous ont également exposé en détail les actions posées par Madrid, au courant des dernières semaines, afin d’empêcher la tenue du référendum catalan, jugé illégal, ainsi que les réactions des différents membres de la communauté internationale.

Plus précisément, deux recours peuvent être envisagés par les Catalans en droit international.

  • Premièrement, celui de la sécession remède, que Mélanie Dubuy, maître de conférences à l’Université Nancy 2, définit ainsi : « Les partisans de l’indépendance du Kosovo ont revitalisé la théorie de la sécession remède devant les juges internationaux qui ont cependant décliné l’offre qui leur était faite de se prononcer sur sa positivité en droit international. Enoncée notamment par la Cour suprême du Canada (Sécession du Québec), cette théorie, qui représenterait une troisième voie dans la possibilité pour un peuple de faire sécession, reste un remède ultime. Défendue par une grande partie de la doctrine, elle repose sur l’idée selon laquelle lorsque le volet interne du droit des peuples à l’autodétermination n’est plus respecté (le droit constitutionnel de l’Etat et son système politique ignorant ou n’aménageant qu’une place insignifiante aux minorités), le volet externe peut alors être activé. Il faut que l’Etat viole systématiquement et gravement le droit interne du peuple à l’autodétermination (interdictions spéciales d’utilisation de sa propre langue, recours à des moyens brutaux pour imposer ces mesures, etc.) pour activer le versant externe du droit. Plusieurs Etats ont ainsi reconnu que la minorité albanaise du Kosovo était en proie à une campagne de violation massive des droits de l’homme et que la Serbie n’était pas disposée à intégrer l’ensemble de la population du territoire dans le système de représentation démocratique en place sans établir de discriminations liées à l’origine (Const. serbe, 2006).[1]»
  • Deuxièmement, les Catalan.es pourraient envisager, à la suite du référendum, de déclarer unilatéralement leur indépendance, option qui n’est pas jugée illégale en vertu de l’Avis sur le Kosovo émis, en 2010, par la Cour internationale de Justice (CIJ). Or, afin de pouvoir entrer de l’ONU et être reconnue comme interlocutrice internationale, la Catalogne doit obtenir les deux tiers des votes des États membres, ce que le Kosovo n’a toujours pas réussi à obtenir jusqu’à ce jour.

Il va sans dire que nous en avons énormément appris lors de cette conférence qui, je dois l’avouer, n’a fait qu’alimenter l’intérêt que j’avais déjà pour les études de droit. Ces panels ne font que confirmer l’idée selon laquelle le droit peut également constituer un vecteur de changement politique et social, et qu’on peut entreprendre des études de droit par désir d’implication politique avant le désir d’enrichissement personnel.

Par la suite, après avoir longuement dîné et discuté avec Daniel Turp, nous nous sommes rendus à la séance d’information et au cocktail, à l’Ateneu Barcelonès, qui étaient organisés par l’Association des Maires pour l’Indépendance (AMI). Demain, nous visiterons des bureaux de vote à Gérone avec d’autres observateur.trices de l’étranger, et l’activité est organisée par l’AMI. Nous avons donc pu recevoir, lors de cette séance, nos insignes et toutes les informations nécessaires au déroulement de la journée de demain.

Il va sans dire que nous sommes particulièrement excités à l’aube du grand jour! La tension est palpable dans les rues de Barcelone, après les nombreuses manifestations indépendantistes et espagnolistes des derniers jours. Encore aujourd’hui, une manifestation espagnoliste se tenait devant la Généralitat catalane (édifice du gouvernement catalan), à laquelle nous n’avons pas pu assister, malheureusement. Après un souper avec le réseau Québec-monde, nous sommes donc retourné à notre hôtel, où une bonne nuit de repos nous attendait!

Virginie Simoneau-Gilbert

[1] DUBUY, Mélanie. « La sécession remède (remedial secession) : avatar contemporain du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ? », Droit constitutionnel, repéré à http://www.droitconstitutionnel.org/congresNancy/comN2/dubuyR.html.

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