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Socrate et la construction de l’identité

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Une lecture de l’Apologie de Socrate

Socrate existe doublement en deux discours, soit celui que construit Socrate et celui que construit ses accusateurs. Il y a une distinction fondamentale que nous expliciterons entre un «moi», et un «autre», et cela pose un regard sur la question de l’identité, ou d’un jeu qu’il est possible de faire entre une multiplicité d’identités pour la même personne. Socrate met cela en place dans un lieu de parole en-dehors de la sophistique, ce qui n’est pas innocent du tout. Ce lieu de parole pose évidemment certains problèmes: pourquoi cette distinction est faite, quel est la place de la parole et de la rhétorique dans le discours de Socrate en particulier, et en quoi cela renforce le «moi» qu’il tente de définir?

Dès la deuxième phrase du texte, la question du moi, de l’identité est déjà présente: «[En écoutant les accusateurs], j’ai presque oublié qui je suis, tant leurs discours étaient persuasifs.»[1] Cette citation met clairement en évidence le double Socrate. Celui des accusateurs est suffisamment construit rhétoriquement pour qu’il soit persuasif, car même Socrate croit s’oublier (ce qui évidemment une ironie que l’on saisit seulement après avoir lu le texte au complet). La raison qui apparaît évidente pour Socrate d’établir cette distinction, c’est qu’il est nécessaire de le faire pour pouvoir distinguer ce que les sophistes disent sur lui et ce qu’il est réellement, c’est-à-dire que la distinction est nécessaire pour déconstruire le discours de l’identité de Socrate des sophistes pour ensuite reconstruire cette identité à partir de lui-même. Il y a donc une différence entre le Socrate figuré, qui est seulement, pourrait-t-on dire, un signifié des sophistes, et un Socrate qui s’auto-signifie, qui se trouve a être le vrai Socrate. Le signe Socrate pose donc un problème ici, puisque le signifiant est le même, et ce qui est signifié diffère (c’est l’arbitraire du signe).[2] Le «moi» socratique se définit donc dans l’espace du signifié, et la déconstruction/réfutation du discours des sophistes se trouve à être finalement un «redressement» du signe Socrate vers ce que Socrate pense être lui-même (c’est le fameux «connais-toi toi-même»). Cette affirmation du «je» socratique est fondamentale, car elle donne à la philosophie un tournant plus «subjectif» (en apparence du moins), car l’identité de Socrate se trouve à être une des questions de fond qui travers l’Apologie, question qui s’articule autour et dans la parole.

«Qu’ils n’aient point rougi à la pensée du démenti formel que je vais à l’instant donner, cela m’a paru de leur part le comble de l’impudence, à moins qu’ils n’appellent habile à parler celui qui dit la vérité. […] Quoi qu’en en soit, je vous répète qu’ils n’ont rien dit ou presque rien qui soit vrai. […] Je ne vous dirai que l’exacte vérité. […] Ce ne sont pas des discours parés de locutions et de termes choisis et savamment ordonnés que vous allez entendre, mais des discours sans art, faits avec les premiers mots venus. Je suis sûr de ne rien dire que de juste; qu’aucun de vous n’attende de moi autre chose.»[3] Socrate, dans cet extrait, met clairement en place le discours des sophistes, qui, de par leurs artifices, semble véritable. Il met également en place son discours, qui se veut vrai et juste. Le «moi» socratique est en dehors du langage des sophistes, en dehors de la rhétorique. Son «éthos» se situe dans un au-delà du langage qui renvoie à une identité profonde et cachée qu’il faut exposer comme défense contre la construction des autres.

Voyons les trois accusations de Socrate: il est accusé de ne pas reconnaître les dieux de l’État, d’introduire de nouvelles divinités dans la cité et de corrompre la jeunesse. Or, à plusieurs reprises, Socrate affirme que les dieux existent, et s’il médite comme il le fait sur les paroles de l’oracle de Delphes, c’est qu’il croit au moins à ce dieu (Apollon), si et bien si sa parole n’est pas prise comme une marque d’ironie. Comme Socrate croit aux dieux de la cité, l’accusation d’introduire de nouvelles divinités se défait d’elle-même. Quant à l’accusation de corruption de la jeunesse, Socrate affirme qu’il a atteint un tel degré d’ignorance que même s’il corrompait la jeunesse, c’est de manière involontaire. Dans un cas comme dans l’autre, Socrate se retrouve innocent, et il aurait plutôt besoin d’une éducation afin que cela ne se reproduise plus.[4] Socrate est en-dehors du langage des sophistes, et il se construit dans un espace autre. Or, Socrate aussi utilise certains procédés rhétoriques, certaines tournures de phrases avantageuses. L’identité de Socrate défini par lui-même se trouve quand même dans l’espace d’une certaine rhétorique, d’un langage, qui n’est que plus fort (oralement) que celui des sophistes. Le Socrate que Platon dessine au long de ses nombreux dialogues n’est défini que par le langage qu’il adopte, c’est-à-dire que les actions de Socrate sont finalement peu importantes. La différence entre les sophistes et Socrate ne réside pas dans l’outil utilisé (en l’occurrence le langage), mais plutôt dans la fonction de cet outil: pour les sophistes, le langage/la rhétorique (qui se confondent) est une fin en soi, alors que chez Socrate, elle sert à examiner les propositions, découvrir les incohérences de ces propositions, et de les faire tomber d’elle-même pour en arriver à découvrir une vérité.

Le «moi» que Socrate défend est un «moi» bâti rhétoriquement malgré tout. Alors, quand nous nous posons la question de la place de la parole dans le discours de Socrate, et en quoi cela renforce le «moi» qu’il tente de définir, nous nous retrouvons face à un paradoxe: Socrate se «définit rhétoriquement» avant de se définir «ontologiquement», tout en accusant les sophistes d’utiliser des discours parés de belles locutions. Que faire de ce paradoxe? Même si Socrate a une volonté qui paraît beaucoup plus noble (découvrir la vérité), il reste que la rhétorique est son outil, même si celle-ci n’a pas la même fin que celle des sophistes. Le «Socrate» que Socrate décrit n’a pas comme point de départ la subjectivité, l’expérience que Socrate vit de lui-même; il est plutôt construit dans un contre-argumentaire contre les sophistes. De plus, Socrate est souvent ironique, ce qui rend son identité encore plus ineffable, difficile à cerner, ce qui n’est pas sans conséquence dans le verdict final.

Le «moi» socratique, même s’il peut sembler étonnamment moderne à un premier niveau de lecture, ne l’est pas réellement. Le «je suis, j’existe»[5] de Descartes n’est pas le même «je», à la fois dans un sens premier (Socrate n’est pas Descartes et inversement), mais aussi dans la définition, l’origine de ce «je». Le cogito cartésien est sensible, a comme départ l’expérience de la conscience, alors que le «moi» de Socrate se défini davantage de façon «intelligible», en ce sens que Socrate tente de modifier l’idée de Socrate dans la tête de ses accusateurs. Le «moi» se trouve alors dans deux espaces: dans le cas de Descartes, c’est un moi sensible, subjectif et intérieur, alors que dans le cas de Socrate, le «moi» est dans l’esprit des autres avant d’être intérieur. Les rapports entre rhétorique, vérité et identité sont donc fondamentaux dans la construction vraisemblable de l’idée de Socrate, et c’est en ce sens que le «moi» socratique n’est pas moderne, car la subjectivité moderne est ontologique, non rhétorique, du moins a priori. Le lieu de l’identité peut se trouver à la fois dans un espace public et un espace privé. En l’occurrence, l’identité de Socrate telle que décrite dans l’Apologie est d’ordre public. Ainsi, le procès de Socrate n’est pas tant la défense d’une personne que d’une idée, qui est celle de la représentation publique de Socrate. Il serait aussi intéressant de méditer sur les liens à faire entre les dichotomies publique/privée et sensible/intelligible. L’appartenance de l’intelligible à l’aspect public des choses nous mène à nous interroger sur la construction et le changement de l’identité publique par rapport à ses effets sur la sensibilité privée et inversement dans notre rapport à la réalité.

[1] Platon, 17a.

[2] Je renvoie au Cours de linguistique générale de F. de Saussure, particulièrement la section sur la sémiologie.

[3] Platon, 17b.

[4] Idem.

[5] René DESCARTES. Méditations métaphysiques, Première méditation.

Kevin Berger Soucie

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Dispo à la Biblio

critique hong kong

C’est un tout petit « Dragon », un point à peine visible sur la carte de la Chine. Hormis son cinéma, l’un des plus brillants d’Asie, que connaissons-nous de Hong Kong ?
Depuis sa rétrocession par les Britanniques en 1997 et sa réunion (sous un statut spécial) au géant chinois, Hong Kong est pourtant le cadre d’une expérience politique hors du commun : un bras de fer quotidien de David contre Goliath. Et d’une expérience culturelle singulière : l’invention d’une identité. Soumis par la Chine à de multiples pressions politiques, financières, idéologiques, linguistiques et démographiques, Hong Kong n’en semble que plus résolue à « prendre le large ». Aussi l’avenir de Hong Kong ne concerne-t-il pas les seuls Hongkongais – tant s’en faut.
Ce numéro a été conçu et dirigé par Sebastian Veg, chercheur, traducteur, directeur de la revue Perspectives chinoises et fin connaisseur d’une ville où il vit depuis plusieurs années. Il donne la parole à quelques-uns des meilleurs spécialistes français et étrangers de cette étrange Cité-nation – et avant tout aux Hongkongais eux-mêmes.

Sommaire

Présentation

« BORROWED SPACE, BORROWED TIME »

Kai-cheung DUNG : Atlas. Archéologie d’une ville imaginaire
Extraits de Atlas. Archéologie d’une ville imaginaire (Taipei, Lianjing, 2011) traduits du chinois (Hong Kong) par Sebastian Veg

Jean-Philippe BÉJA : Hong Kong 1997-2014. Consolidation d’une identité politique

Judith PERNIN : Le Hong Kong de Wong Kar-wai. Espace, nostalgie et sentimentalité
Wong Kar-wai, The Grandmaster [Yi dai zongshi]

Wing-sang LAW : La nostalgie coloniale depuis la rétrocession

Evans CHAN : Le cinéma indépendant de Hong Kong. Pratique locale et mémoire nationale

L’ESPRIT DU ROCHER AU LION. TENSIONS ET RESILIENCE

Ho-fung HUNG : Trois visions de la conscience autochtone à Hong Kong
Chan Koon-chung, Zhongguo tianchao zhuyi yu Xianggang [La Doctrine céleste chinoise et Hong Kong]
Chin Wan, Xianggang Chengbang lun [De Hong Kong comme ville-État]
Jiang Shigong, Zhongguo Xianggang : Wenhua yu zhengzhi de shiye [Hong Kong, Chine : perspectives culturelles et politiques]

Edmund W. CHENG : Les vicissitudes de la politique contestataire dans le Hong Kong postcolonial
Francis L. F. Lee et Joseph M. Chan, Media, Social Mobilization and Mass Protests in Post-colonial Hong Kong. The Power of a Critical Event
Peifeng Huang et Yu Xu (éd.), Pre/Post80s. Beyond the Imagination of Social Movement, Discourse and Generation

Chloé FROISSART et Yi XU : Hong Kong et le delta de la rivière des Perles. Liens économiques et activisme social

Karita KAN : Un espace public sinophone sous pression. Les médias hongkongais depuis la rétrocession

Robert BAUER : Le cantonais de Hong Kong. État des lieux et perspectives

BLx

 

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À Rome, fais comme les Romains

À Rome, fais comme les Romains. C’est ce qu’aurait répondu Ambroise à Augustin qui lui demandait s’il était préférable que le jour du repos soit pris le samedi comme à Milan ou le dimanche comme à Rome. C’est à peu près la même chose que Facundo Medina répond aux immigrants qui viennent s’installer au Québec lorsque de très élégante manière il leur dit de parler français. À la série de textes publiés ici et portant sur la question de la langue française au Québec j’ajoute donc le texte de M. Medina, paru le mardi 17 novembre dans Le Devoir (vous irez voir aussi les réactions des lecteurs)

B.L.

LA LOI RAPAILLÉE

Par Facundo Medina, écrivain

Le Devoir 17 novembre 2009

«Happy birthday to you». Ainsi chantent mes amis argentins du West Island avant de souffler les cinq bougies du gâteau de leur petite fille Sofia. Nous sommes dans un centre d’amusement pour enfants situé près de l’autoroute 40. Mon fils Félix, qui a six ans, me demande tout bas: «Pourquoi ils chantent en anglais si on parle tous espagnol?» Je ne sais pas quoi lui répondre. J’ai envie de lui expliquer le sens du mot «cipaye», mais il n’a que six ans. À l’époque de l’Empire ottoman, les cipayes étaient des cavaliers maghrébins au service de l’armée turque. Plus tard, on utilisa ce mot pour désigner les soldats indiens servant dans l’armée de l’Inde britannique ou dans l’armée française. En Amérique latine, on utilise aujourd’hui le mot «cipayo» pour dénommer ceux qui sont colonisés même dans leurs idées, adhérant, au point de s’auto-effacer, aux valeurs d’une culture foraine dominante. Mais Félix n’a que six ans. Alors, je laisse tomber.

Le choix du français

Quelques jours plus tard, la Cour suprême du Canada déclare inconstitutionnelle la loi 104. À mon travail, des collègues explosent de joie. «This is democracy. On a le droit de choisir notre langue.» Leur réaction ne m’étonne point. C’est la mienne qui m’étonne: je suis outré.

Il y a dix ans que je suis arrivé au Québec. Ce ne fut pas un choix fait au hasard. J’ai choisi le Québec parce qu’on y parle le français, et le Québec m’a choisi pour la même raison. En Argentine, j’avais aussi étudié l’anglais. En fait, j’ai fait une partie de mon éducation universitaire dans un établissement anglophone. Pour moi, parler l’anglais, c’est une richesse et un atout.

Mais je n’aurais jamais le culot de demander aux Québécois de payer de leur poche pour l’éducation de mes enfants dans une langue autre que la langue officielle instituée par la loi 101. Ma conception de la  démocratie diffère alors foncièrement de celle de mes collègues et amis. Il ne s’agit pas de mettre à genoux un peuple et un gouvernement pour faire valoir un droit individuel, mais de respecter une loi et une langue choisies et valorisées par l’écrasante majorité des francophones. De toute évidence, les juges de la Cour suprême n’ont pas été du même avis.

Des choix

Si j’avais décidé de vivre et d’éduquer mes enfants en anglais, j’aurais pu m’installer à Toronto ou à Vancouver. Si j’avais voulu vivre dans une province officiellement bilingue, je serais allé au Nouveau-Brunswick. Pour l’inuktitut, pas de meilleure place qu’Iqaluit. Si je voulais que Félix soit éduqué en anglais au Québec — au risque de le transformer en handicapé linguistique dans sa propre terre — je pourrais encore l’envoyer dans une école privée non subventionnée.

Si j’étais anglophone de naissance, j’aurais tout simplement le droit d’éduquer mes enfants en anglais et peut-être que je le ferais. Ces choix m’appartiennent et ils ne portent préjudice à personne. Ils ne bafouent pas les conquêtes d’une société qui a décidé de ne plus se comporter en cipaye. On voudrait réduire la question à une querelle entre gens purs et durs et gens flexibles, entre francophones intransigeants et monsieur l’opprimé qui ne veut que choisir en toute liberté. C’est une absurdité. Aucun Italien ne pourrait exiger de Rome que l’État paye pour l’éducation de ses enfants dans une langue autre que l’italien, et je vous épargne la liste des exemples. Cela va de soi.

Protéger sa langue

Est-ce que le Canada n’est pas un pays bilingue? Si, il l’est, mais seulement au niveau de la bureaucratie fédérale. Tout comme l’Alberta et la Colombie-Britannique, le Québec n’est pas officiellement une province bilingue et il s’est donné en conséquence le droit légitime de protéger sa langue. En déclarant inconstitutionnelle la loi 104, la Cour suprême a traité le Québec comme s’il agissait d’une succursale de Poste Canada à Saint-Tite où on refuse de servir les clients en anglais. Les écoles-passerelles sont l’aboutissement logique d’une dynamique perverse qui sacrifie les acquis collectifs sur l’autel des caprices individuels. Elles légitiment la tricherie et incarnent la volonté de se soustraire à une loi amplement consensuelle au Québec, tout en ayant recours aux marteaux des juges qui sont au-dessus de la réalité québécoise, mais aussi et surtout loin d’elle. La loi 104 du gouvernement Landry a voulu mettre un point final à cette aberration. Or elle s’est retrouvée sur le banc des accusés.

Les armées cipayes

Je sais que ces mêmes mots, sous la plume d’un Québécois de souche, seraient qualifiés d’intolérants, voire de racistes. Je sais qu’un immigrant comme moi qui se porte ainsi à la défense du français pourrait être aussi qualifié de «cipayo». Mais je suis au Québec, pas à Buenos Aires. Et s’il s’agit de défendre les droits d’une minorité, je me dis qu’on devrait d’abord se rappeler que les francophones sont la plus grande minorité à l’intérieur d’un Canada anglophone. La Cour suprême semble avoir fait fi de ce détail.

Qu’en est-il de ces gens qui rêvent de faire éduquer leurs enfants en anglais? Il y en a de toutes les sortes: nouveaux arrivants, immigrants de longue date et Québécois francophones de souche qui ont perdu toute estime de soi. Leur cécité est plus sévère que celle des juges. Ils ont décidé de circuler à contresens de l’Histoire, tout en nous faisant payer leur essence.

Actuellement, je suis en train de traduire vers l’espagnol un poème de Gaston Miron. Je me demande si les futures générations d’ici sauront qui a été ce grand poète manieur d’une identité rêvée, mais possible. Je me demande si le Québec et le français, qui ne sont qu’un, sauront résister aux assauts des armées cipayes. Je me demande si, loin de tout fanatisme et de toute coercition, nous saurons expliquer à cette minorité aveugle qu’elle n’a pas le droit moral de nous faire payer pour ses choix insensés. En attendant, je me prépare à fêter les sept ans de mon fils Félix. Je lui dirai du fond de mon coeur: «Feliz cumpleaños, mon p’tit Québécois.»

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La loi 101 au cégep

Voici un petit entrefilet de la Presse canadienne, publié dans Le Devoir du mardi 20 octobre, qui fait état de l’opinion de l’ancien premier ministre du Québec, Bernard Landry, sur la pertinence de rendre obligatoire la fréquentation du cégep francophone pour tous les jeunes issus de l’immigration.

«L’ancien premier ministre Bernard Landry participe à une campagne qui vient d’être lancée en faveur de l’application de la loi 101 au cégep. Les groupes de défense du français relancent un vieux débat, celui d’étendre la portée de la Charte de la langue française, plus particulièrement son obligation de fréquenter l’école en français, au niveau collégial. Lors d’une conférence de presse organisée par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, hier matin, M. Landry a expliqué que si lui-même n’avait pas étendu la portée de la loi 101 au niveau collégial lorsqu’il était premier ministre, c’est parce qu’il croyait que l’élan donné à la fréquentation de l’école primaire et secondaire en français suffirait à favoriser la poursuite des études au cégep en français. Or, cela n’a pas été le cas, juge-t-il. «Ma constatation par rapport à la fréquentation obligatoire du cégep francophone vient du fait que nos espoirs ont été déçus. C’est aussi simple et aussi triste que ça. Camille Laurin, René Lévesque et moi-même, à l’époque, pensions que si les enfants de nos compatriotes issus de l’immigration allaient aux mêmes écoles que nos enfants, ils iraient aux mêmes collèges. Mais nous nous sommes trompés», a laissé tomber l’ex-premier ministre. «Les choses ont changé, même depuis cinq ans. M. Castonguay l’a bien démontré. Nous avons entretenu un espoir; on a toujours pensé que les choses allaient tourner comme on l’avait souhaité», a ajouté M. Landry.»

Bruno Lacroix

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Voici me voici l’unilingue sous bilingue…

Dimanche dernier, alors que j’étais dans ce que bon nombre de professeurs appellent «la zone d’angoisse du dimanche soir», alors que je tentais de m’en échapper, de m’en distraire, la télévision vint à mon secours, un film, documentaire de surcroît, finit par capter mon attention et susciter vive émotion. «La génération 101», un film où il est question de l’intégration des nouveaux immigrants, des classes d’accueil, de la difficulté d’apprendre le français, du courage et de l’opiniâtreté de ceux qui veulent et qui finissent par parler, à la fin du secondaire, une belle langue, la nôtre langue de résistance et d’endurance, le français qui résonne et raisonne en cette terre d’Amérique. Un beau film donc, qui nous présente ces enfants d’immigrants devenus québécois et de qui nous voulons tant être aimés et en qui nous plaçons tant d’espoir, mais un film de désespérance aussi qui nous présente en finale ces mêmes québécois nouvelle manière affirmant cette fois, pour moitié, vouloir poursuivre leurs études collégiales dans un cégep… anglophone. Ils sont nombreux, trop nombreux, ceux qui au seuil de l’âge adulte décident de passer de l’autre bord, d’aller acquérir des compétences professionnelles en anglais, de se préparer aux études universitaires en anglais. Pas de philosophie, ni de littérature française pour ceux-là, rien de Descartes et de Rousseau, rien de Balzac et de Rimbaud et pour sûr rien de Réjean Ducharme et de Gaston Miron, mais plutôt Humanities and English litt. Immergés dans une aire culturelle anglosaxonne, une part de nos concitoyens resteront donc étrangers à ce que nous appelons «la formation générale commune». La culture de l’autre bord (l’autre bord de nous-mêmes?), celle qui nous vient principalement d’Angleterre et des États-Unis est hautement estimable et désirable, c’est même une chance que nous avons de pouvoir la connaître et la côtoyer de si près, comme à Montréal, mais ce n’est pas celle-là que nous recevons en héritage et qui nous accompagne comme un destin. Voilà qui est navrant: découvrir qu’il y autant de néo-québécois qui choisissent de ne pas partager le destin singulier qui nous échoit. Mais qui ça «nous»? Ceux qui, en parlant leur langue, se séparent? Que faire alors? Peut-être faudrait-il revoir certaines des dispositions de la loi 101? En effet, si les enfants d’immigrants sont obligés de fréquenter l’école française au primaire et au secondaire, cette obligation ne s’étend pas jusqu’au niveau collégial. Faut-il donc abolir la possibilité de choisir le cégep anglophone? Et pendant ce temps, à la mairie, on semble tenir pour obligatoire la maîtrise de l’anglais…

«Voici me voici l’unilingue sous bilingue…» écrit Gaston Miron, est-ce de cette manière que Louise Harel devra désormais se présenter aux électeurs montréalais? On a fait grand cas du fait que la candidate à la mairie ne parle que très peu anglais, en tous cas pas assez pour participer à un débat dans la langue de Shakespeare. À ce sujet Jacynthe, grande blogueuse s’il en est, m’a suggéré d’insérer un lien vers un texte de Richard Martineau (qu’elle n’apprécie normalement pas plus que moi…) qui traite bien de cette question:

http://www2.canoe.com/infos/chroniques/richardmartineau/archives/2009/09/20090923-072800.html

Toujours au sujet de la langue, lors de l’évènement entourant le 250è anniversaire de La Bataille des plaines d’Abraham «Le Moulin à Paroles» , un magnifique texte de résistance a été lu, le voici lu en 1980 par son auteur Michèle Lalonde, il s’agit bien évidemment de Speak White.

Bruno Lacroix

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