Le voile mondial
Un jugement de cour, à Tunis en mai dernier, en faveur d’un directeur d’établissement (l’université La Manouba) qui avait été soumis à un véritable siège — et à des agressions physiques — par des militants islamistes pour autoriser le voile intégral lors des examens, a été de facto annulé, au cours de l’été. Une ordonnance ministérielle laisse les établissements libres de décider, plutôt que d’interdire le voile intégral.
Dans cette affaire, la « liberté de choix » était et reste un élément fondamental de l’argumentaire des partisans du voile pour les femmes.
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Même en Grande-Bretagne, pays par excellence du multiculturalisme, du laisser-faire et du pragmatisme british, supposés moralement supérieurs, la question fait irruption à la une des médias depuis quelques mois, à la suite de diverses affaires.
En septembre, devant un tribunal de Londres, une jeune femme a voulu témoigner entièrement couverte de son niqab… avant de se voir forcée de dévoiler au moins son visage devant le juge. Le juge qui a ensuite déclaré aux médias : « Il faut absolument que les législateurs se penchent sur cette question. »
(La semaine dernière, commentant l’affaire, un ministre sans portefeuille du gouvernement Cameron abondait dans le même sens que le juge, affirmant que cette tenue était incompatible avec l’administration de la justice.)
Dans certaines free schools, peu contrôlées par les pouvoirs publics et parfois sous la coupe d’islamistes, on rapporte des histoires de discriminations garçons-filles. D’autres écoles pensent, elles, à prohiber le voile intégral, qui à leurs étudiantes, qui à leurs enseignantes, devant un phénomène perçu comme croissant. À tel point que, selon un sondage publié fin septembre par le Times de Londres, pas moins de 66 % des Britanniques seraient aujourd’hui en faveur d’une loi pour interdire le voile intégral en public.
By Jove ! On aurait cru une telle « horreur législative » aux antipodes de la pensée british, et exclusive aux pauvres Français, Belges ou autres latins de mentalité républicaine. Mais non ! Et lorsque le premier ministre, David Cameron, a été interrogé sur toutes ces affaires, il s’est certes dit hostile à une législation sur le voile à l’école ou dans la rue… mais en ajoutant que les institutions ont parfaitement le droit d’imposer des uniformes. Et qu’il pourrait, lui, envoyer sa fille dans une institution où l’on aurait proscrit le niqab.
À l’âge des migrations mondiales et de Twitter, la question du voile divise et interpelle. Elle se pose un peu partout, à des degrés divers, dans des lieux immensément différents, sous des régimes autoritaires ou démocratiques. Mener ce débat chez soi, c’est aussi répondre à un écho dont les réverbérations traversent toutes les frontières.