Noël Huron

«Jesous Ahatonhia (Jésus est né)», un cantique pour les relier tous

Phénomène musical et culturel, le «Noël huron» croise mélodie française et paroles huronnes.

Geneviève Soly, Le Devoir 22/12/2025

Le cas du « Noël huron » — Jesous Ahatonhia (Jésus est né) — est unique dans l’histoire de la musique : une mélodie française, des paroles huronnes écrites par un missionnaire jésuite français au XVIIe siècle, puis traduites en français au XXe siècle par un Huron. Ce cantique est encore chanté de nos jours par les Wendats comme par les Canadiens, en français ou en anglais. Voici tout un phénomène musical et culturel !

On connaît l’importance du chant dans le projet d’évangélisation des Autochtones, très sensibles à la musique et aux images, selon les missionnaires.

Historiquement, il est attesté que ce cantique fut chanté le 25 décembre 1648 à la bourgade de Saint-Ignace, lors de la messe célébrée par Jean de Brébeuf, puis, de nouveau, le 6 janvier 1679 à la mission de Hurons et d’Algonquins lors de la messe célébrée par le père jésuite Enjalran au bord du lac Michigan. C’est dans la Relation des Jésuites de cette année-là qu’un événement extraordinaire nous est raconté et que je souhaite ici relater.

À l’époque de la Nouvelle-France, par le contact des missionnaires et des Autochtones, plusieurs nations ont un répertoire de chants religieux dans leur propre langue, mais dont la musique (les mélodies accompagnant les paroles) est une adaptation du plain-chant ou d’airs de cantiques français apportés de France par les religieux et les religieuses.

Plusieurs témoignages nous instruisent sur l’admiration des Français pour le chant des Autochtones, dont le talent musical naturel et la beauté des voix en firent s’émerveiller plus d’un. Cette réputation a perduré jusqu’au début du XXe siècle, alors que l’historiographe des Hurons, Lionel Lindsay (1849 – 1921), écrit qu’ils méritaient encore leur réputation de chantres.

Entre Noël 1678 et l’Épiphanie 1679, dans une mission dirigée par Enjalran (l’un des seuls villages de la région qui n’avait pas été détruit par les Iroquois lors du massacre de 1649), on assiste à un événement extraordinaire, décrit dans les Relations des Jésuites de ces années-là et reproduit par le musicographe Ernest Myrand dans son livre de référence Noëls anciens de la Nouvelle-France.

Les Hurons vont mettre en scène les paroles du cantique attribuées à Jean de Brébeuf. L’élément temps n’est pas précisé, mais tout cela se passe probablement sur plusieurs jours, comme toutes les fêtes incluant des processions chez les Autochtones. Ils vont d’abord décorer la crèche de l’église de la mission — bien avant la messe de minuit —, qui prendra la forme d’une grotte dans le récit ; ils y mettent du gazon cueilli par une enfant autochtone, au lieu de la paille, pour y déposer l’Enfant Jésus. On nous apprend que la grotte fut beaucoup visitée et que les prières des Autochtones furent longues, belles et touchantes tout au long de la journée : « Les chefs furent heureux et ils racontèrent de grandes choses à Jésus. »

Puis, le 6 janvier 1679, il y a la messe. Celle-là terminée, il y aura cet extraordinaire événement qui imite l’histoire des trois rois mages, racontée par le père Enjalran lui-même dans la Relation des Jésuites : les Autochtones font une procession qui va d’abord aller du village des Autochtones vers l’église de la mission. La marche a lieu au son de la trompette. Dans le 4e verset, on lit : « Jésus leur suggéra l’idée de venir le voir en suivant l’étoile ». Les habitants des villages hurons et algonquins se divisent alors en trois bandes. C’est le conciliabule des trois bandes, « les trois chefs se donnèrent parole ». Ils offrent des cadeaux (colliers de porcelaine). Ils portent des tours de tête, des sceptres et un étendard bleu ciel, puis entrent dans l’église maintenant atteinte. Les chefs des trois bandes huronnes vont se prosterner au pied de la grotte.

On est en terrain connu. Les rois mages qui suivent l’étoile, présentent des cadeaux et adorent l’enfant : « ces chefs firent des offrandes ». On retire l’enfant de la grotte. Le père prend la statue — cette statue de l’Enfant Jésus, apportée de France par les Jésuites, existe toujours. Elle a été placée, après les grands voyagements que les Hurons et les missionnaires firent à la fin du XVIIe siècle en quittant la Huronie, dans la mission huronne de la Jeune Lorette, maintenant Wendake. La procession se poursuit. On aboutit dans une cabane chez les Hurons (à cette époque, dans les missions, les Autochtones habitent à l’extérieur des murs de la mission et vivent leur vie traditionnelle). Le tout se fait en chantant. Puis, retour à l’église de la mission, et on repose la statue dans la grotte.

La fin consiste, évidemment, en un banquet chez les Hurons, qui ont invité les Algonquins… comme dans Astérix et Obélix !

Le cas du « Noël huron » — Jesous Ahatonhia (Jésus est né) — est unique dans l’histoire de la musique : une mélodie française, des paroles huronnes écrites par un missionnaire jésuite français au XVIIe siècle, puis traduites en français au XXe siècle par un Huron. Ce cantique est encore chanté de nos jours par les Wendats comme par les Canadiens, en français ou en anglais. Voici tout un phénomène musical et culturel !

On connaît l’importance du chant dans le projet d’évangélisation des Autochtones, très sensibles à la musique et aux images, selon les missionnaires.

Historiquement, il est attesté que ce cantique fut chanté le 25 décembre 1648 à la bourgade de Saint-Ignace, lors de la messe célébrée par Jean de Brébeuf, puis, de nouveau, le 6 janvier 1679 à la mission de Hurons et d’Algonquins lors de la messe célébrée par le père jésuite Enjalran au bord du lac Michigan. C’est dans la Relation des Jésuites de cette année-là qu’un événement extraordinaire nous est raconté et que je souhaite ici relater.

À l’époque de la Nouvelle-France, par le contact des missionnaires et des Autochtones, plusieurs nations ont un répertoire de chants religieux dans leur propre langue, mais dont la musique (les mélodies accompagnant les paroles) est une adaptation du plain-chant ou d’airs de cantiques français apportés de France par les religieux et les religieuses.

Plusieurs témoignages nous instruisent sur l’admiration des Français pour le chant des Autochtones, dont le talent musical naturel et la beauté des voix en firent s’émerveiller plus d’un. Cette réputation a perduré jusqu’au début du XXe siècle, alors que l’historiographe des Hurons, Lionel Lindsay (1849 – 1921), écrit qu’ils méritaient encore leur réputation de chantres.

Entre Noël 1678 et l’Épiphanie 1679, dans une mission dirigée par Enjalran (l’un des seuls villages de la région qui n’avait pas été détruit par les Iroquois lors du massacre de 1649), on assiste à un événement extraordinaire, décrit dans les Relations des Jésuites de ces années-là et reproduit par le musicographe Ernest Myrand dans son livre de référence Noëls anciens de la Nouvelle-France.

Les Hurons vont mettre en scène les paroles du cantique attribuées à Jean de Brébeuf. L’élément temps n’est pas précisé, mais tout cela se passe probablement sur plusieurs jours, comme toutes les fêtes incluant des processions chez les Autochtones. Ils vont d’abord décorer la crèche de l’église de la mission — bien avant la messe de minuit —, qui prendra la forme d’une grotte dans le récit ; ils y mettent du gazon cueilli par une enfant autochtone, au lieu de la paille, pour y déposer l’Enfant Jésus. On nous apprend que la grotte fut beaucoup visitée et que les prières des Autochtones furent longues, belles et touchantes tout au long de la journée : « Les chefs furent heureux et ils racontèrent de grandes choses à Jésus. »

Puis, le 6 janvier 1679, il y a la messe. Celle-là terminée, il y aura cet extraordinaire événement qui imite l’histoire des trois rois mages, racontée par le père Enjalran lui-même dans la Relation des Jésuites : les Autochtones font une procession qui va d’abord aller du village des Autochtones vers l’église de la mission. La marche a lieu au son de la trompette. Dans le 4e verset, on lit : « Jésus leur suggéra l’idée de venir le voir en suivant l’étoile ». Les habitants des villages hurons et algonquins se divisent alors en trois bandes. C’est le conciliabule des trois bandes, « les trois chefs se donnèrent parole ». Ils offrent des cadeaux (colliers de porcelaine). Ils portent des tours de tête, des sceptres et un étendard bleu ciel, puis entrent dans l’église maintenant atteinte. Les chefs des trois bandes huronnes vont se prosterner au pied de la grotte.

On est en terrain connu. Les rois mages qui suivent l’étoile, présentent des cadeaux et adorent l’enfant : « ces chefs firent des offrandes ». On retire l’enfant de la grotte. Le père prend la statue — cette statue de l’Enfant Jésus, apportée de France par les Jésuites, existe toujours. Elle a été placée, après les grands voyagements que les Hurons et les missionnaires firent à la fin du XVIIe siècle en quittant la Huronie, dans la mission huronne de la Jeune Lorette, maintenant Wendake. La procession se poursuit. On aboutit dans une cabane chez les Hurons (à cette époque, dans les missions, les Autochtones habitent à l’extérieur des murs de la mission et vivent leur vie traditionnelle). Le tout se fait en chantant. Puis, retour à l’église de la mission, et on repose la statue dans la grotte.

La fin consiste, évidemment, en un banquet chez les Hurons, qui ont invité les Algonquins… comme dans Astérix et Obélix !

Enjalran parle d’un « tableau vivant d’un Noël sauvage — une fête étrange ». Pour ma part, j’analyse tout simplement cet événement comme un opéra baroque populaire joué par les Autochtones, qui va combiner les costumes, les décors, la danse (les troupes), la musique (les trompettes, attestées, et les cantiques) et les textes, en plus d’éléments diplomatiques chers aux Autochtones.

Le texte de la Relation des Jésuites parle d’ailleurs de la « représentation du mystère » (de la Nativité), à laquelle va s’ajouter la représentation de l’adoration des mages. Ce mot « représentation » est incidemment l’un des premiers utilisés pour nommer l’opéra baroque, entre autres pour ceux de Monteverdi au début du XVIIe siècle, soit à peu près à la même époque.

Voilà donc un Noël et une Épiphanie hors du commun !

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