Du 24 octobre 2018 au 12 mai 2019, Mon sosie à 2000 ans fut présenté au Musée de la civilisation à Québec. Six mois avant le début de l’exposition, l’équipe de production, dirigée par Polycor, recherchait des candidats pour faire partie des visages choisis afin de participer à l’expérience digitale. Il fut possible de s’inscrire par le biais du site Internet créé pour l’exposition, où le simple envoi d’un portrait a pu donner la chance à 25 personnes de faire partie de l’expérience : au départ, il faut dire que c’était 108 000 personnes à travers le monde qui ont répondu à l’appel. L’idée derrière cette exposition fut de présenter un portrait datant d’il y a au moins deux millénaires en comparaison avec un portrait identique appartenant au présent. Le tout était ensuite présenté en photographies et un moule des deux portraits fut créé. Afin d’ajouter une certaine touche d’humour et de personnification, les candidats avaient aussi la possibilité de s’identifier et de présenter quelques informations sur eux. Aux côtés de ces faits cocasses se trouvaient aussi des descriptions des portraits anciens, ce qui nous permettait de nous apparenter aux personnages historiques.
À travers ce parcourt, nous étions invités à rencontrer le double de Dionysos, d’Antinoüs, de Jules César et bien d’autres. Aux côtés de ces figures notables se trouvent aussi des personnages ayant été contemporains de ces derniers, rendus célèbres par leur sculpture au travers des siècles. Il était surtout question dans l’exposition d’observer les maintes ressemblances que pouvaient avoir ces gens avec des individus de notre époque ; c’est une expérience immersive à la fois pour ces derniers et pour nous, puisque nous sommes tous deux invités à percevoir et vivre la marque du temps chez l’humain en posant un regard sur une figure du passé tout comme celle du présent.
Mon sosie a 2000 ans traite aussi de l’ère du selfie, étant devenue une pratique courante à notre époque depuis la progression technologique qui innove constamment ces dernières années. Le fait de pouvoir se photographier à n’importe quel moment et ainsi avoir un médium accessible pour pouvoir nous capturer en image est bien une chose particulière et vient changer notre perception du portrait. Nous sommes en mesure de nous illustrer et ainsi de posséder étroitement ce rendement pictural qui a toujours été, dans la tradition occidentale, une pratique courante et une nécessité identitaire. Depuis les époques anciennes, il faut dire que ce type d’art a toujours connu une popularité croissante. L’humain a toujours cherché à laisser une trace dans ce qui l’entoure. Le portrait était donc un moyen effectif et durable pour préserver cette humanité et la notion d’individualité qui l’accompagne. Ainsi, le fait de transposer cette tradition artistique à un mouvement culturel contemporain apporte un propos universel quant à la représentation que se fait l’être de soi-même.
Ce qui est le plus fascinant dans cette expérience, c’est surtout la ressemblance choquante que possèdent ces individus avec leurs sosies historiques. Il faut savoir que les participants furent choisis par un système informatique de reconnaissance faciale qui est en mesure d’examiner avec une grande minutie les traits des visages ; ce sont par des configurations précises et des facteurs de probabilité avancés que le choix des individus pour l’exposition fut déterminé. Cela donne alors lieu à un résultat des plus épatants : seulement en regardant ces deux personnes côte à côte, il est possible de déceler tous les moindres éléments qui font qu’ils se ressemblent. Cela devient nettement plus frappant lorsqu’on considère que les chances de rencontrer un jour une personne ayant les mêmes traits que nous au cours de notre vie sont très minces selon des statistiques scientifiques présentées à l’exposition. L’ironie de la chose est que ces participants font exception à la règle et ont pu rencontrer ces individus … sous un écart de 2000 ans !
Pour ceux d’entre nous qui n’ont pas eu la chance de connaître l’empereur ou le héros légendaire qui nous ressemblerait le plus, ne nous désolons pas si vite ! Il est toujours possible de se rendre sur le site consacré à l’exposition (https://monsosie.mcq.org/) pour envoyer une photographie, ou dirais-je même un selfie, qui sera ensuite analysé par le programme Betaface pour tenter de reconnaître certains traits familiers à des œuvres antiques.
Mon sosie à 2000 ansprésente ainsi, sous une perspective technologique et scientifique, la rencontre du passé sous le visage du présent. On transpose l’identité d’un individu, ce dernier appartenant aux temps anciens, dans un cadre spatiotemporel complètement éloigné pour démontrer la présence encore notable du lien humain. Notre rapport au passé est ancré en nous ; nous sommes encore et toujours reliés à ceux qui nous ont précédés par le fait qu’ils illustrent une marque, celle de leur identité, qui nous est transmise par le regard.
Drinalba Shérifi