Enseignement de l’histoire: à quand le récit?
Il est maintenant acquis que le nouveau programme, présentement à l’étape de projet pilote dans quelques écoles du Québec, replacera l’histoire sur un plan chronologique, ayant 1840 comme point de bascule entre les 3e et 4e années du secondaire. Bonne nouvelle pour la forme. Mais qu’en est-il du contenu ?
Si la forme antérieure, celle de l’approche par thèmes, avait surtout le mérite de saper tout intérêt des élèves envers leur histoire, les contenus n’amélioraient en rien la chose. Ceci s’explique par une tendance lourde qui s’est immiscée dans l’enseignement de la discipline d’Hérodote : l’histoire n’est plus une histoire, mais un fait sociologique. La deuxième compétence du programme ministériel en fait foi lorsqu’elle vise « à interpréter une réalité sociale ». C’est l’école des Annales, fondée dans le premier tiers du XXe siècle, qui voulait rompre, à juste titre, avec l’approche classique, celle qui ne traitait que des « grands hommes » et des événements politiques ou militaires. Il serait déplorable de vouloir revenir à cette conception naïve du passé. Là n’est pas mon propos.
Raconter une histoire
Dernièrement, quelques ouvrages d’histoire ainsi qu’une série télé ont remis au centre de leur propos le rôle de certains individus dont la vie mérite attention. Il s’agit de Ils ont couru l’Amérique de Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque, ainsi que le Rêve de Champlain diffusé par Télé-Québec. Ces deux oeuvres ont le mérite d’être rythmées, captivantes, tout en étant bien documentées et rigoureuses sur le plan du contenu. Leur succès auprès du grand public en fait foi, mais c’est surtout de la part de mes élèves que j’ai pu constater un intérêt sensible. Capter l’intérêt d’adolescents n’est pas une mince affaire et c’est pour cette raison que j’écris ce texte.
Les élèves du secondaire n’ont pas comme préoccupation première de décortiquer scientifiquement la matière en se souciant des données quantifiables de l’histoire économique et sociale. Ces élèves veulent d’abord qu’on leur raconte une histoire. Non pas une fable, non pas une légende, mais leur histoire devenue vivante grâce aux vertus du récit. Cette histoire ne vise pas à évacuer tout le contenu économique et social, au contraire, il doit impérativement être évoqué, expliqué et analysé afin que le récit puisse s’inscrire dans la vérité du passé. Autrement dit, nous devons préserver les acquis de l’histoire économique et sociale, mais revenir à l’histoire-récit, celle qui captive, celle qui fait naître un imaginaire véritable dans l’esprit de nos élèves. Tous les événements dignes de ce nom, que ce soit la fondation de Québec, la conquête de 1760, les rébellions, la confédération de 1867 et j’en passe, doivent être remis de l’avant sur les plans économique et social, mais aussi à travers leurs acteurs principaux, bons ou mauvais, qui ont laissé leur empreinte sur notre passé.
Bref, une réconciliation entre l’histoire-récit et l’histoire scientifique est fortement souhaitable. La dichotomie entre ces deux approches n’a pas bien servi l’enseignement de l’histoire au secondaire. Il faut opérer un réajustement mitoyen qui saurait combiner les deux approches et redonner à l’enseignement de l’histoire une plus value captivante qui lui fait défaut depuis trop longtemps.
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BLx