Le musicien militaire en Nouvelle-France

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À l’époque de la Nouvelle-France, allant de 1534 à 1763, l’armée de la colonie, s’appelant alors les Compagnies franche de la Marine, sous la responsabilité du Ministère de la Marine, en France, était dirigée par le commandant des troupes. Chaque compagnie était sous la responsabilité d’un capitaine qui était lui-même nommé par le roi. À l’époque, l’armée jouait un rôle très important tant au niveau militaire que politique mais également au niveau social et symbolique. En effet, elle était non seulement défenseur de la colonie et de la société, mais elle était également présente dans la vie quotidienne des gens que ce soit pour faire des défilés ou veiller au bon ordre de la ville ou encore pour communiquer à la population des ordres ou des annonces. Lorsqu’on pense au soldat militaire du 16e et 17e siècle, le son venant à l’esprit est souvent celui du tambour, de la trompette, du hautbois ou encore du fifre.[1] Ces instruments étaient joués par les soldats musiciens de l’armée au même titre que l’église utilisait l’orgue ou les cloches, c’est-à-dire pour annoncer quelque chose, pour affirmer leur pouvoir auprès des citoyens ou pour donner différents commandements aux soldats ou aux citoyens. Dans tous les cas, ces différents sons se faisaient entendre pour attirer l’attention des gens. Le son est beaucoup utilisé dans les villes à cette époque puisque l’oreille humaine est un élément essentiel dans la reconnaissance spatio-temporelle.[2] Il était donc, facile de communiquer une information simplement en reconnaissant un son particulier.

La première importance du musicien militaire est justement de sonner les différents ordres pour les soldats. Lorsqu’il s’agit d’une générale, d’un exercice ou d’une bataille, il est nécessaire que le tambour sonne afin que chacun se mette en position rapidement. Le tambour ayant un son qui projette et qui résonne partout, même en plein milieu d’une bataille, tous les soldats sont en mesure de l’entendre et d’agir rapidement. De plus, le musicien militaire, recevant ses ordres directement de l’autorité la plus haute située sur les lieux, en général du roi lui-même, les ordres sont transmis rapidement et efficacement pour tout le monde.

Le tambour est également présent dans le quotidien des gens. Par exemple, lorsqu’il s’agit de faire des annonces à la population ou de leur transmettre quelque information que ce soit, le tambour joue alors le rôle de ce qu’on appelle la criée ce qui permet d’attirer l’attention des gens malgré le bruit souvent fort à la place publique.[3] Ainsi, le roi, ou le gouverneur, rejoint les gens facilement et tout le monde peut s’adapter rapidement. L’importance du tambour est notable aussi dans le domaine politique.

Nous avons vu que lorsqu’il s’agit de transmettre efficacement un ordre ou une information générale, le tambour est tout désigné pour assurer cette tâche. Or, le fifre, la trompette et le hautbois jouent aussi un rôle important au moment d’affirmer l’autorité du roi et, par le fait même, l’autorité politique. À cette époque, l’État et l’Église étaient encore unis en ce qui concerne l’autorité. Les deux administrations se disputaient donc, beaucoup le pouvoir et l’écoute des citoyens. Du côté de l’église, on utilisait les cloches et les grandes orgues non seulement pour affirmer son autorité mais également pour que les gens reconnaissent le son et l’associe à la religion et son pouvoir. Pour l’armée, c’était le tambour, le fifre, la trompette et le hautbois. Lorsqu’il y avait des défilés ou des cérémonies militaire ou politique, les instruments militaires jouaient et personnifiaient ainsi l’autorité politique et militaire à la population qui savait reconnaître ces sons de façon exacte et comprenaient parfaitement ce qu’ils voulaient dire.[4] Ce jeu de pouvoir fut donc très présent sous le régime de la Nouvelle-France et chacune des autorités voulait s’affirmer pour attirer l’attention du citoyen. Un dernier aspect qui fait du musicien militaire une figure importante de l’armée est le symbole qu’il est. En effet, le musicien, par sa personne, est un symbole fort puisque recevant ses ordres directement du roi, il représente l’autorité royale. De plus, contrairement aux soldats normaux qui portaient des habits bleu-gris et blanc, le musicien militaire portait des habits très colorés allant du rouge au bleu foncé en passant par le jaune doré. Cet habit faisait de lui une figure facilement reconnaissable partout où il allait et, ainsi, amenait à la confiance et au respect face à sa personne. De plus, c’est le tambour qui résonne lorsqu’il s’agit de transmettre une information aux citoyens ou de donner des ordres aux soldats. Son rôle s’élève donc en importance puisqu’il n’est pas un simple soldat ni même un officier, mais il entre plutôt dans une catégorie à part qui reste très importante.

En conclusion, le musicien militaire est une figure d’importance dans l’armée au niveau politique, militaire, social et symbolique. Il fait office de messager et d’informateur pour les soldats et la population, il est un élément important pour le prestige du roi et de l’armée et de l’affirmation de son pouvoir et il apporte une symbolique par sa personne et son rôle dans la société et l’armée. Aujourd’hui, les musiciens militaires sont encore présents dans les armées du monde mais ils sont bien plus présents lors de cérémonies ou de défilés que sur le champ de la bataille.

Geneviève Denis

Bibliographie

Jean-François PLANTE, Les musiciens militaires dans l’espace sonore, social et rituel de la Nouvelle-France, Québec, Université Laval, 2010, 294 p.

Jean-Marie FRITZ, Paysages sonores du Moyen Âge. Le versant épistémologique, Paris, Honoré Champion, 2000

[1] Jean-François PLANTE, Les musiciens militaires dans l’espace sonore, social et rituel de la Nouvelle-France, Québec, Université Laval, 2010, p. 48

[2] Jean-Marie FRITZ, Paysages sonores du Moyen Âge. Le versant épistémologique, Paris, Honoré Champion, 2000

[3] Jean-François PLANTE, Les musiciens militaires dans l’espace sonore, social et rituel de la Nouvelle-France, Québec, Université Laval, 2010, p. 12

[4] Jean-François PLANTE, Les musiciens militaires dans l’espace sonore, social et rituel de la Nouvelle-France, Québec, Université Laval, 2010, p. 80-81

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