La grotte de Lascaux, l’expo
Les chefs-d’oeuvre de la préhistoire sont reproduits au Centre des sciences de Montréal
Jérôme Delgado, Le Devoir 18/04/14
Henri Breuil, le premier scientifique à l’avoir étudiée, a qualifié la grotte de Lascaux de « Chapelle Sixtine de la préhistoire ». D’autres ont considéré cet ensemble de peintures comme « un film qui a perdu le son ». La voilà de passage à Montréal, l’exposition itinérante.
On ne déplace peut-être pas des montagnes, mais la grotte de Lascaux, si. Ce trésor de l’humanité, patrimoine légué par les Cro-Magnon il y a 20 000 ans et enfoui sous terre dans le Périgord (sud-ouest de la France), vient d’atterrir à Montréal et sera accessible jusqu’en septembre, au Centre des sciences.
Accessible en partie : l’exposition La grotte de Lascaux. Chefs-d’oeuvre de la préhistoire permet de zieuter les peintures pariétales de deux sections (sur les six connues), reproduites de la manière la plus réaliste, au millimètre près, reliefs compris, et grandeur nature.
Vous l’aurez compris : le Lascaux qui a traversé l’Atlantique n’est pas l’original, fermé au public depuis un demi-siècle pour des raisons de préservation. Si Lascaux 2 reproduit des fac-similés de deux salles, cette expo, dite Lascaux 3, montée d’abord à Bordeaux puis transformée en structure mobile pour parcourir le globe, en reproduit deux autres, la Nef et le Puits. Ensemble, Lascaux 2 et 3 mèneront à Lascaux 4, musée attendu pour 2016.« En France, deux plus trois font quatre », résume d’un humour bien senti Olivier Retout, directeur du projet Lascaux, exposition internationale. Ce docteur en sciences ne mâche pas ses mots : Montréal verra Lascaux comme jamais vu après Chicago et Houston, avant Bruxelles, Tokyo et combien d’autres villes du monde — l’expo circulera jusqu’en 2017 et fera « autant d’arrêts que possible », selon son instigateur.
Une cueillette au laser
Les peintures reproduites pour la première fois incluent notamment la Frise des cinq cerfs, la Frise de la Vache noire et la seule figure humaine de toute la grotte. Le travail est basé sur une cueillette au laser hyperprécise.
« On a rassemblé une collection iconographique jamais réunie. On a ressorti le film des années 1970 de Mario Ruspoli [documentariste italien, proche de Chris Marker]. On a numérisé 35 calques de l’abbé André Glory jamais montrés, dit un intarissable Olivier Retout. Le Puits, qui est à six mètres de profondeur, il n’y a que très, très, très peu de gens qui l’ont vu. Quand Lascaux était ouvert, on ne pouvait le visiter. Ici, on l’a en face des yeux, à un mètre 50. »
L’exposition se déploie en plusieurs zones, autant instructives qu’étonnantes. Le parcours s’appuie sur des modules interactifs, des maquettes de tout Lascaux, des reproductions d’objets trouvés dans la grotte ainsi que des portraits des principaux artisans de cette possible découverte. Le tout aboutit en l’expérience ultime de la grotte.
Grandeur nature
« On n’a pas voulu recréer l’atmosphère de grotteavec sa température, son humidité, ses vibrations, explique le directeur du projet. Mais on est dans la grandeur nature, dans les proportions. L’idée n’est pas de revivre la descente dans une grotte mais de revivre l’admiration, le spectacle de ce que les Cro-Magnon ont voulu faire. »
Pour Bernard Cazeau, président du Conseil général de la Dordogne et quelque part grand manitou de Lascaux, l’idée derrière cette expo de 60 millions d’euros était d’apporter la grotte à ceux qui n’iraient jamais à elle. « Ce n’est pas quelque chose d’idéalisé. On ne fait pas un Disneyland de la préhistoire », assure le sénateur. Autrement dit, Lascaux 3 sert davantage à la transmission des connaissances qu’à la diversion.
« On challenge les scientifiques, clame même Olivier Retout. Si les préhistoriens viennent à l’expo, ils en apprendront. Ils peuvent voir des choses qu’ils ne peuvent voir dans la vraie grotte parce qu’il leur est impossible de rester longtemps. »
Élisabeth Daynès, sculpteure mondialement connue pour ses personnages hyperréalistes, est convaincue qu’il faut réhabiliter les Cro-Magnon. Celle qui travaille les corps selon les principes de la médecine légale en a créé quatre pour l’expo. « C’est nous, dit-elle à propos de ceux qui ont vécu l’ère du Magdalénien-Solutréen. Ils nous ressemblent physiquement et intellectuellement. Être qualifié de Cro-Magnon devrait être un compliment, pas une insulte. »
Olivier Retout abonde dans le même sens : l’expo a une âme philosophique. « Elle montre que cet autre, lointain dans le passé, est comme nous. Et s’il est comme nous, ça laisse croire que l’autre lointain dans le présent, dans la géographie, il est aussi proche de nous. Lascaux est porteur d’humanisme. »
Un comité scientifique
Le réalisme et le sérieux de l’entreprise ont été validés par un comité scientifique. Retout et ses collaborateurs au scénario, Nathalie Grenet et Nicolas Saint-Cyr, un Québécois, ne pouvaient tomber dans la fantaisie.
On n’a pas fini d’apprendre de et sur Lascaux, véritable écosystème où cohabitent une multitude d’organismes vivants. La grotte permet certes d’affirmer que l’humanité naît à l’époque de ces peintures. Ces artistes, qui travaillaient déjà le mouvement et la perspective, avaient un langage très avancé. « Ils racontent quelque chose ; le problème, c’est qu’on ne sait pas ce qu’ils racontent », dit un Olivier Retout encore émerveillé.
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BLx
A reblogué ceci sur pensées en vracs/ messy thoughtset a ajouté:
Payzan-le-Moustique :p
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