«Les féministes à marde»

Sarah Lucas, Au naturel, 1994.

Avant d’arriver au cégep, à 17 ans, j’avais peu entendu parler du féminisme. Une bande d’extrémistes qui ne veulent pas porter de soutien-gorge, ni se raser, c’était ce que j’entendais principalement. Avec mes ami(e)s, nous les appelions avec humour les « féministes à marde », chaque fois qu’on entendait des gens féminiser leur langage, en disant, mes chers étudiants et étudiantes ! Sans trop se poser de questions, jeunes que nous étions, on riait d’un groupe stigmatisé, car c’est facile. Comme rire des musulmans ou des noirs, en se basant sur les stéréotypes qui courent dans l’air de la couche sociale où nous nous trouvons.

Ce fut un homme qui m’ouvrit la première porte sur ce monde, mon (et non pas ma) prof de français 4, alors qu’on avait une discussion en classe sur les filles qui s’habillent sexy. Les étudiants, et surtout, les étudiantes, argumentaient fortement que c’était déplacé, que c’était juste pour attirer l’attention, et qu’elles s’attiraient vraiment des bibites à s’accoutrer comme ça ; qu’elles ne viennent pas se plaindre après si quelque chose leur arrive, etc, etc… Puis mon prof sort une phrase qui rassemblait à : « À la base, la fille ne devrait pas avoir à penser aux conséquences de son accoutrement, sexy ou non. Pourquoi ce ne serait pas l’homme qui ferait un travail sur lui-même, afin de ne pas faire sentir la fille comme si elle était habillée sexy ? » Nous étions pas mal tous et toutes bouche-bée. Hommes peut-être un peu plus mal à l’aise, et filles un peu blessées dans leur argumentation, mais pour nous tous, jamais cette idée ne semblait avoir traversée notre esprit. Que l’homme se contrôle ? Qu’il taise ses hormones, qui naturellement, voyant un décolleté ou une mini-jupe, chargent vers son entre-jambes et engourdit sa cervelle ? Qu’il apprenne à regarder ailleurs que vers les deux craques de la femme ? Wow…

Aujourd’hui, 21 ans, j’en apprends plus sur le féminisme, jusqu’à me considérer appartenir à ce groupe. Une de celles avec qui je rigolais des « féministes à marde » est aujourd’hui celle qui m’ouvrit la grande porte, partageant avec moi ce qu’elle apprit de ce côté pendant la grève, se liant avec un petit groupe de femmes. Je veux à mon tour partager avec vous certains éléments de ma métamorphose, car je crois qu’elle est possible, et souhaitable, chez chacun d’entre nous, homme ou femme. (N’oublions pas que le premier féministe que j’ai rencontré, eh bien, ce n’était pas une première féministe.)

Donc, l’une des premières choses dont je pris conscience fut la langue, langue masculine. La langue française est sexiste. Elle a été pensée ainsi, il y a des siècles, car ce sont les hommes qui l’ont pensée, ça va de soi. Mais, aujourd’hui, alors qu’on tente d’établir l’égalité entre les hommes et les femmes, la langue est un obstacle majeur. Ça va d’abord vous sembler aberrant, de penser repenser une telle chose que la langue, ça m’a fait pareil au début. C’est un grand débat que la féminisation de la langue, des termes, de constamment dire « ils, elles », « professeurs et professeures ». Ah tiens justement, les linguistes sont justement entrés dans ce débat, critiquant le fait que tous les mots ne se féminisent apparemment pas. Aviateur, aviateure, aviatrice, chanteur, chanteuse, soldat, soldate… autant de mots qui sont fréquemment féminisés alors que les linguistiques voudraient nous taper sur les doigts avec une règle pour l’avoir fait. Néanmoins, est-ce vraiment normal de continuer d’utiliser cette langue, (ah oui, une langue, c’est sexy et féminin) qui est remplie de mots uniquement masculin, comme un vainqueur, une… vainqu…eure? Ah non, les femmes ne peuvent gagner.  Grand débat.

Feminist-Graffiti

Je pose (et je n’invente rien) que l’homme est le pôle autour duquel se forme l’identité. Mon identité, elle est pensée et réfléchie selon lui. Je suis une tomboy, ou un garçon manqué. On ne voit pas de fille manquée, non ? On a des couilles. L’homme, dit-on fréquemment qu’il a des ovaires ? Un VRAI homme, une vraie femme ? (Ouais mais, généralement péjoratif comme expression celle-là) Fais pas ta fillette, ta moumoune. (Là, rentre en compte l’identité homosexuelle, qui elle aussi est fréquemment oppressée dans le discours ambiant) Une hard : Le sexe faible. Ouuuhhh BOOM. C’est certainement pas le gars qui vous vient en tête si vous lisez cette dernière. [1]

Sinon, n’importe qui d’un peu alerte a remarqué comment la femme est utilisée dans la pub. Des totons et des fesses[2], ça vend. Des lèvres aussi. Dans les pubs de dentifrices, c’est rarement une bouche d’homme qu’on voit sourire avec des palettes photoshoppées. Ah, le sexisme dans les pubs, c’est réellement exaspérant. Vous avez vu les pubs d’American Apparel, par exemple ? http://4.bp.blogspot.com/-MHq4XGjk_HM/TZdU7cXVICI/AAAAAAAARnY/0s0vqpEHT-Q/s1600/american-apparel-02_022005.jpg

C’est ce qu’on appelle le « hipster sexism » ou « ironic  sexism »[3], qui consiste à faire des jokes sexistes, mais… EN JOKE. Genre, «HEY CHECK JFAIS MA PUTE mais stune joke, je suis pas une vraie pute». Oh, ce qui m’amènerait à parler de l’Halloween, festival du sexy pour les adultEs, et festival de la princesse pour la petite fille. Sérieux ?

Deux petites anecdotes pour finir. Avez-vous vu la pub de McDo qui passe dernièrement, où ils vendent un gros burger de GARS, et le vidéo te dis ; un gars ne devrait jamais dire certaine choses le matin, du genre, ah, je vais juste prendre un demi-burger, ou, ah, donnez moi la même chose que la dame ! Mais non, un gars, ça l’a un appétit de MÂLE. (???)

Dernière aberration ; chez Omer Desserres, dernièrement, je cherchais un cadeau pour mon neveu de 3 ans. Je me dirige vers la section des enfants. C’est une rangée de deux côtés, à gauche c’est bleu, blanc, vert, rouge, et à droite, c’est… rose. Je vous laisse deviner comment ils ont séparé leurs jouets. Donc, je regarde quand même des deux côtés, du bord des filles, il y a : « Crée tes premiers bijoux, crée tes premiers petits gâteaux, des autocollants, des poupées, des carrosses, des gugusses de princesses, de coiffure, etc… » Du bord des gars, il y a : « des outils construction en plastique, des trucs de Lego, des trucs de dinosaures (???), et…. et… des trucs de sciences.  Genre, fait ton premier volcan, premier kit de chimie, premier kit d’aviation, etc etc… » J’espère que rendu là, vous comprenez mon enragement face à ce display. Sinon, eh bien sachez que les filles peuvent autant être instruites à la science dès un jeune âge que les garçons. (Et comprenez que ces divisions, dès ce jeune âge, sont la base du sexisme ambiant qui reste imprégné et entretenu âge après âge entre les hommes et les femmes)

Peu m’importe quand est né le féminisme, pourquoi, quand, comment, du moins, pas là dans cet article. Je voulais vraiment partager un peu mon cheminement féministe, et souhaiter qu’il soit peut-être contagieux, car je ne devrais pas avoir à convaincre en disant pourquoi il faut que cesse le sexisme ambiant, ça devrait être une évidence.

Je vous invite très fortement à aller aimer cette page sur Facebook : https://www.facebook.com/jesuisfeministe?ref=ts&fref=ts Page très pertinente, qui se contente de publier des articles de partout dans le monde sur des situations et opinions tant pro-femmes, que sur des aberrations machistes. La divergence des points de vue publiés est ce qui m’incite à vous la recommander.

Sinon, voici quelques liens très pertinents si vous souhaitez en apprendre d’avantage

Sur la culture du viol : http://www.madmoizelle.com/je-veux-comprendre-culture-du-viol-123377#sthash.j3mDOQZM.dpbs

Sur la banalisation des agressions sexuelles dans l’Histoire (récente) : http://cratesandribbons.com/2012/09/30/the-kissing-sailor-or-the-selective-blindness-of-rape-culture-vj-day-times-square/

Un projet de l’université McGill fait cette année, où les étudiants étaient invités à se faire prendre en photo avec un carton expliquant « pourquoi ils ont besoin du féminisme » : http://wnfmcgill.tumblr.com/

Marci !

Jacynthe Fournier-Rémy


[2] Get a life, ce sont des putains de parties anatomiques, dont certains génies on décider d’en faire des icônes afin de vendre et de revendre.

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4 Commentaires

Classé dans Culture et société, Féminisme, Philosophie, Politique

4 réponses à “«Les féministes à marde»

  1. Sébastien Roy

    C’est clair. En effet rare sont les publicité qui ne sont pas sexiste. Cela touche tout les sujets. Par exemple l’annonce de Canadian Tire qui montre un conseiller qui montre que la voiture de la famille est mal entretenu. Le genre de conseiller s’adresse au Père de famille qui est l’homme « censer s’occuper de la voiture »  »L’homme mécanicien » c’est clairement impensable de voir une femme s’occuper d’une auto sauf si c’est pour la laver…. en bikini bien sur pourquoi pas, ca va de paire. Le sexisme est partout et vendre la femme comme un objet fonctionne très bien même trop bien. Je travail dans un Jean Coutu et je vous propose de regarder les pubs des produits cosmétiques regarder les lèvres des femmes qui sont légérement ouverte. Sans vouloir être trop direct la plus part des hommes ne pense pas à embrasser ces lèvre, mais belle et bien mettre quelque chose dans cette bouche HEIN ! et le pire c’est que ces produits ne sont pas pour les hommes. Cependant la pub est la pour que la femme se vende à l »homme……Ridicule.

  2. Pingback: Féminisme ou Anti-sexisme? | Histoire et Civilisation

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  4. Mathieu

    Lol renseigne toi donc avant d écrire n’importe quoi. Le féminisme ta corrompu ou quoi … Moi je suis pour la vrai égalité…

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