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Écosse, Catalogne, Pays Basque, Flandre, Irlande

L’Europe a les yeux tournés vers l’Écosse

Le Oui est surtout l’affaire des jeunes et des hommes

Christian Rioux, Le Devoir 17/09/14

Il aura suffi qu’une petite nation de cinq millions d’habitants et vieille de sept siècles décide de se prononcer sur son indépendance pour provoquer un vent de fébrilité dans toute l’Europe. De Madrid à Bruxelles en passant par Dublin et Moscou, le spectre d’un redécoupage des frontières du continent, même démocratiquement, semble hanter les dirigeants européens plus que l’annexion violente de la Crimée. Faut-il craindre un effet domino ? demandent les plus européistes qui, comme l’éditorialiste du Figaro Pierre Rousselin, craignent qu’un « Oui » vienne « galvaniser les indépendantistes » et mener à « une balkanisation de l’Europe ». La Catalogne en première ligne C’est évidemment à Madrid que les signaux clignotent le plus. Si le scrutin écossais inspire les Catalans — le quotidien El Periodico y voit « une leçon de démocratie » —, il embarrasse au plus haut point Madrid qui ne veut rien entendre du référendum prévu en Catalogne le 9 novembre prochain. Madrid devrait d’ailleurs saisir le tribunal constitutionnel dès que le président de la generalitat, Artur Mas, fera adopter la loi référendaire. Madrid serait même prêt à suspendre l’autonomie de la Catalogne pour empêcher les Catalans de suivre l’exemple écossais, a déclaré le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel García-Margallo. L’Espagne est d’autant plus à fleur de peau que le Pays basque suit lui aussi de près l’exemple écossais. En 2008, Madrid avait annulé la décision du Parlement basque de tenir une consultation sur son avenir. Mardi, le porte-parole du Parti nationaliste basque (PNV) au Congrès espagnol, Aitor Esteban, a fait la une de toute la presse espagnole en demandant à José Manuel García-Margallo s’il irait jusqu’à « à envoyer les tanks ». L’onde de choc fait aussi des remous en Belgique où les autonomistes flamands de la N-VA sont en pleine consultation pour la formation d’un nouveau gouvernement fédéral.« Les événements écossais sont un véritable laboratoire pour notre pays », écrit l’éditorialiste du quotidien Le Soir. Deux députés de la N-VA sont déjà à Édimbourg, même si c’est « à titre privé », disent-ils. « L’Écosse crée un précédent important à l’intérieur de l’Union européenne, un cas très intéressant », a déclaré l’un d’eux, Piet De Bruyn. Élu de la N-VA, Mark Demesmaeker a qualifié de « courageux » le geste du premier ministre britannique David Cameron. « C’est lui qui a signé avec Alex Salmond, le leader des indépendantistes écossais, l’accord d’Édimbourg prévoyant un référendum et s’engageant formellement à en respecter les conséquences, quel qu’en soit le résultat. » Mais, pour les analystes, ce n’est pas le Royaume-Uni qui va résoudre le dilemme flamand. Majoritaires en Belgique, les Flamands savent en effet qu’ils devraient, pour se séparer, faire leur deuil de Bruxelles, majoritairement francophone. Ce n’est ni le cas des Écossais ni celui des Catalans. Et l’Irlande Le son des cornemuses s’est même fait entendre jusqu’à l’extrémité orientale de l’Europe. En Crimée, les représentants russes n’ont pas craint de dire que si le résultat du référendum écossais était reconnu, celui qui s’est tenu en catastrophe il y a six mois pour annexer la Crimée à la Russie devrait l’être lui aussi. Même les Serbes de Bosnie, qui rêvent de rejoindre la Serbie, se sont dits inspirés par ce qui se passe en Écosse. Après la Catalogne, c’est peut-être plutôt en Irlande du Nord que le référendum écossais pourrait avoir le plus de conséquences. La consigne du silence a été imposée aux membres du gouvernement de l’Ulster, mais on sait que le Sinn Féin rêve toujours d’une réunification avec la République d’Irlande. Le parti nationaliste a d’ailleurs proposé la tenue d’un référendum à cet effet en 2016, à l’occasion du centenaire du soulèvement de Pâques qui mena à l’indépendance irlandaise. Puisque, en cas de victoire du « Non », le gouvernement britannique s’est engagé à déléguer de nouvelles compétences à l’Écosse, on s’attend à ce que l’Irlande du Nord et le pays de Galles réclament eux aussi une plus grande part du gâteau. Même s’ils ne veulent pas être accusés d’ingérence, les leaders de l’Union européenne n’ont pas craint d’adopter la ligne dure à l’égard de l’Écosse et de la Catalogne de crainte d’un effritement de l’Europe, disent-ils. Pourtant, soulignent certains observateurs, la véritable menace ne vient-elle pas d’un mouvement souverainiste comme le Front national en France plutôt que des indépendantistes écossais qui ont toujours voué un véritable culte à l’Union européenne ? Cette « peur » semble bien « artificielle », écrit Romaric Godin dans le journal économique La Tribune. « En dehors du cas espagnol, les autres régions d’Europe ne semblent pas, pour le moment, réellement concernées : la N-VA flamande se prépare à entrer dans le gouvernement fédéral belge et la Ligue du nord italienne reporte l’indépendance de la “ Padanie ” à bien plus tard. » Bref, n’est pas Écossais qui veut. … BLx

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