Oscar Wilde était un auteur intense qui, pourrait-on dire, en est mort très jeune. Il est né en octobre 1854 à Dublin de parents plutôt intellectuels qui ont encouragé leur fils à développer diverses aptitudes très jeune, dont la connaissance du français. Après son fructueux passage à l’Université, il part pour Londres ou il s’intègre dans les cercles culturels et sociaux les plus réputés. Il était connu pour son affiliation à la philosophie montante de « l’aestheticism » qu’il tentait d’inclure dans plusieurs ouvrages de nature variée, des poèmes, des essais, des articles. Il devint rapidement une des personnalités les plus connues de son temps. On le connaissait aussi pour son conversation pétillante et son style flamboyant. Au tournant des années 1890, il a redéfini l’idée qu’il se faisait de la suprématie des arts dans son oeuvre Le Portrait de Dorian Gray, roman dans lequel on retrouve des thèmes choc. Il se lance ensuite dans le drame et écrit Salome en français alors qu’il se trouve à Paris. L’oeuvre fut refusée, mais Wilde ne se laissa pas déstabiliser et persista dans l’écriture théâtrale qui lui valut de devenir un des auteurs les plus appréciés du Londres victorien. Au plus haut de sa gloire, Wilde, parce qu’il l’accuse de grossière indécence, poursuit le marquis de Queensberry, le père de son amant lord Alfred Douglas, pour diffamation et s’engage dans une série de procès ruineux… Il sera emprisonné pour deux ans et forcé aux travaux lourds. Derrière les barreaux, il écrit De Profundis. À sa sortie, il part immédiatement pour la France et ne retournera jamais ni en Irlande, ni en Angleterre. Il écrit sa dernière oeuvre à Paris, The ballad of reading Gaol, et y meurt en 1900 à l’âge de 46 ans, complètement oublié…
L’œuvre la plus connue d’Oscar Wilde est Le Portrait de Dorian Gray, ce roman dont l’intrigue et le style m’ont constamment fait attendre la prochaine page, et qui fût d’ailleurs le seul jamais écrit par Wilde, a été mis sur mon chemin tout à fait par hasard; un inconnu me l’a donné dans un autobus. Je dois avouer que j’ai mis un certain temps avant d’y consacrer mon attention et, même une fois la lecture abordée, je ne savais que penser du récit qui s’installait. Mais cette étrange volonté de découvrir ce cadeau inattendu m’a toutefois menée à explorer l’univers beau et monstrueux de l’histoire de Dorian Gray. Vous avez probablement déjà tous entendu ceci : «Fais attention à ce que tu souhaites, cela pourrait se réaliser». Ce livre est l’illustration parfaite de cette idée ; un jeune homme séducteur, riche et mondain devient, malgré lui, l’inspiration artistique d’un peintre plus ou moins accompli qui voit ses tableaux s’illuminer lorsqu’il peint son indispensable modèle. Le portrait de Gray devient un projet tellement personnel et émotif aux yeux de l’artiste que celui-ci en refuse l’exposition malgré qu’il soit conscient qu’il s’agit de l’oeuvre de sa vie. Lord Henry, un ami de l’artiste, est tellement enthousiaste devant la réussite de l’artiste tandis que Dorian Gray s’apitoie à l’idée que cette image alors resplendissante qu’il voit de lui-même restera intact à travers le temps alors que lui vieillira et s’enlaidira. C’est alors qu’il formule le souhait que ce tableau qui le représente reçoive à sa place les marques de la déchéance. Je ne veux pas vous en révéler bien davantage parce que je veux réserver le plaisir de la découverte à ceux qui vont oser s’ouvrir aux images horribles et merveilleuses du roman. Vous pouvez déjà vous imaginer ce que subira cette image, de même que le pouvoir que la réalisation de ce souhait donnera au jeune Dorian Gray. Le récit, tout d’abord publié en 1890, puis en 1891 avec des chapitres supplémentaires et une préface, a été reçu comme immoral et obscène dans une société Londonienne à propos de laquelle Wilde émet quelques commentaires. Celui-ci est pourtant on ne peut plus moral, peu importe celle que l’on veut en dégager. Le nom du personnage qui est en soi un paradoxe, Dorian qui se rapporte à l’adjectif « dorien » pour apollon et la lumière et Gray pour « gris », reflète bien le style du livre qui est construit presque entièrement sur des jeux de contraire. Il ne me reste plus qu’à me demander si la personne qui m’a légué Le Portrait de Dorian Gray voulait me lancer un message ou simplement transmettre à quelqu’un d’autre un livre trop peu connu…
Carolane Bilodeau
P.S. J’en avais aucune idée mais une adaptation cinématographique récente a été faite, en voici la bande-annonce :



Oscar Wilde est, selon moi, un écrivain formidable. J’ai lu son oeuvre en entier ou presque et j’ai lu beaucoup sur sa vie. C’était quelqu’un d’extravaguant , à la limite du snobisme, en même temps que quelqu’un de très généreux et de très sensible. Il faut lire les contes qu’il a écrits pour ses enfants, qui sont parfois bouleversants de beauté. Je pense en particulier à «The Happy Prince» et à «The Nightingale and the Rose». Oscar Wilde était selon moi un être d’exception, j’aurais aimé le rencontrer. Un dernier mot: on dit que sur son lit de mort, à Paris, il aurait eu en horreur le papier peint qui tapissait les murs de sa chambre. Il aurait alors dit à l’un de ses amis : «Either the wallpaper goes, or I go». Traduction : «Ou c’est le papier peint qui part, ou c’est moi!» De l’esprit jusqu’au bout.