Christian Nadeau, professeur de philosophie à l’Université de Montréal et l’auteur de Contre Harper, Bref traité philosophique sur la révolution conservatrice, soutient sans faillir le mouvement étudiant. Après avoir critiqué, avec d’autres, l’argument falacieux de la «juste part» que la ministre de l’éducation répète ad nauseam, Christian Nadeau rend hommage aux étudiants «semeurs de liberté» qui font déjà bien plus que leur «juste part».
BLx
La liberté des étudiants inconnus
À l’heure actuelle, nous voyons partout à l’œuvre des semeurs de liberté, ou pour le dire autrement, des travailleurs de la liberté. Nous les voyons malgré leur discrétion, comme des ombres toujours présentes. Je pense à toutes ces personnes qui n’ont pas de nom connu, qui ne sont ni des célébrités, ni des intellectuels disposant de tribunes, ni des leaders ni des porte-paroles de tels ou tels mouvements. Ils agissent, avancent et forgent notre lien social.
J’aimerais saluer un combat mené depuis déjà plusieurs semaines par les étudiantes et les étudiants. Je n’ai aucun talent littéraire, et je sais bien que mon rôle n’est pas celui de l’écrivain. Mais il faut savoir dire merci aux étudiants. Ils font depuis ces dernières semaines beaucoup plus que leur « juste part », car ils ont redonnent sens à un mot bien galvaudé, celui de solidarité.
Le combat des étudiants nous a permis d’ouvrir les yeux sur le démantèlement progressif d’un héritage, celui de la Révolution tranquille. Je veux saluer ici ces étudiants dont la lutte rend possible ce que certains nomment la raison publique. La liberté est muette ou se fait bien discrète lorsqu’elle est laissée entre les mains des seuls spécialistes, les politiciens, les politologues, les médias, les célébrités, ou des intellectuels dont je pense faire partie. Il est impossible de discuter, impossible de se faire entendre si nous n’avons pas d’interlocuteurs. Pas d’intellectuel public sans raison publique. Mais pas de raison publique sans lutte commune.
J’aimerais surtout saluer l’étudiant inconnu, celui qui est présent aux manifestations, qui combat ses craintes personnelles, qui n’aime pas plus qu’un autre faire le pied de grue dans le froid en attendant que la marche se décide enfin à partir, qui milite avec ses camarades car les cris de tous portent le message de chacun et qui le soir, épuisé, pense encore aux actions du lendemain. Lire la suite ICI.